"Nul ne se promène au hasard des rues, le cœur serré peut-être ou, parce que le ciel se voile et qu'à force de marcher, sans but, sans autre ambition que celle de se perdre, ne plus penser au temps qui fuit comme au reflet de ce visage à peine aperçu tout à l'heure dans la vitrine d'un marchand de jouets
- c'est lui, c'est bien lui,
mais non, tu sais bien qu'il est mort,
le désir s'effiloche, nul ne s'égare ni ne déambule ainsi, d'un carrefour, une place parfois, dont il aime l'aspect provincial, au quartier dénué d'attrait où ses pas toujours le conduisent, sans pousser presque par lassitude ou pour mieux être seul la porte d'un café.
C'est qu'il y a dehors une chiche clarté, des gens qui sortent d'une banque, un bureau, des femmes tristes, une jeunesse braillarde, de sorte que le goût d'errer s'épuise, qu'il faut reprendre corps ou, semblable aux animaux marins qu'un trouble de la perception désoriente, chercher la grève, s'échouer sur la première banquette disponible et, dans l'attente d'évènements qui ne viendront plus, boire une boisson quelconque en regardant les clients s'accouder au comptoir. "
Lionel Bourg - As time goes by