CESAR AIRA
Esquisses Musicales
Traduction de l'espagnol (Argentine) de Christilla Vasserot
"Quand j’étais petit, au tout début des années cinquante, vivait à Pringles un artiste peintre doué de ce prestige ambigu dont bénéficient ceux qui dans un village ont des activités improductives. Quand je dis qu’il était peintre, en fait il n’était pas seulement peintre, non, ç’aurait été bien trop étrange vu l’époque et le lieu. C’était un vieil habitant parmi d’autres, intégré à la grande famille du village, commerçant à la retraite, veuf, ses enfants avaient grandi, comme bien des jeunes ils étaient partis vers d’autres horizons que ceux que leur offrait Pringles."
"Sauf que le paysage autour de Pringles n’était pas des plus reconnaissables, les rues et les bâtiments encore moins. Il n’y avait guère que le Palais, l’emblème du village ; mais peindre à l’intérieur ce que l’on voyait au-dehors aurait été d’une redondance rare, comme si le Palais s’était ramolli pour se retourner sur lui-même."