JAMES BALDWIN

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1979

JAMES BALDWIN
Harlem Quartet

Traduction de l'anglais (Etats-Unis) de Christiane Besse

"Je ne crois pas qu’on puisse vraiment haïr son pays, je ne le crois pas possible, mais il est certainement possible de mépriser le chemin que prend ledit pays et les gens qui sont élus pour le mener le long de ce chemin. Si j’avais été un Blanc, j’aurais eu franchement honte d’envoyer un Noir se battre pour moi où que ce fût. Mais la honte est un sentiment individuel, non collectif et, collectivement parlant, les Blancs sont sans vergogne. Ils ont la mémoire la plus courte de tous les peuples du monde – ce qui explique, sans doute, pourquoi ils n’ont aucune honte."

 


1974

JAMES BALDWIN
Si Beale Street pouvait parler
Traduction de l'anglais (Etats-Unis) de Magali Berger

"Il n'était le nègre de personne. Et ça, c'est un crime dans cette pourriture de pays libre. Vous êtes censés être le nègre de quelqu'un. Et si vous n'êtes le nègre de personne, vous êtes un mauvais nègre : c'est ce que conclurent les flics quand Fonny s'installa hors de Harlem."


1968

JAMES BALDWIN
L'homme qui meurt

Traduction de l'anglais (Etats-Unis) de Jean Autret

"Je ne puis supporter aucune des villes américaines que je connais, et je les connais, ou du moins les ai traversées, presque toutes. Presque toutes me semblent dures et hostiles, et d’une laideur excessive. Quand une ville américaine a du caractère, quand elle a la moindre saveur, elle est alors généralement comparable, c’est le cas de Chicago par exemple, à une soupe dans laquelle on a versé un peu de tout, mais qui est maintenant vieille, tiède et rance, tous ses ingrédients ayant suri. Toutes les villes américaines me font l’effet de bouillonner dans une espèce de bain de sang, un sang épais, visqueux, âcre et nauséabond, et cela peut vous rendre très triste de marcher dans les rues de La Nouvelle-Orléans et de vous demander pourquoi une cité qui, après tout, ne souffre d’aucun handicap physique insurmontable doit être aussi inexorablement inhabitable."

"Sur le mur, il y avait quatre écrans, et sur ces écrans des silhouettes d’ectoplasmes et des visages qui se contorsionnaient à l’infini allaient et venaient l’un dans l’autre, sur un effroyable rythme sexuel qui me faisait penser aux créatures anonymes s’accouplant aveuglément dans la fange du monde, et au fond des mers, et dans l’air que nous respirions, et dans notre propre corps. De temps à autre, sur cet écran, on reconnaissait un visage. Je vis les traits de Yul Brynner, par exemple, et pendant quelques instants je vis les miens. Christopher posa une main sur mon épaule."


JAMES BALDWIN
Un autre pays
Traduction de l'anglais (Etats-Unis) de Jean Autret

"Maintenant, personne ne s'en occupait plus ; cette indifférence était le seul point commun entre ce ghetto et le reste de la ville. Maintenant, tout croulait et les propriétaires s'en moquaient. Personne ne s'en inquiétait. De beaux enfants bleu-noir, bruns et cuivrés qui tous avaient, dans le vent glacé qui balayait la rue, une cendre grise sur le visage et sur les jambes une cendre semblable à la mince couche de givre qui recouvre une vitre ou une fleur, semblaient se moquer de ce que personne ne remarquât leur beauté. Leurs aînés, des femmes grandes et noires qui cheminaient avec effort, des hommes maigres et besogneux, leur avaient appris, par le précepte ou par l'exemple, ce que cela signifiait que d'afficher l'indifférence ou l'inquiétude."

"Il vivait plus intensément à Harlem car il évoluait dans une flambée de fureur, de contentement de soi et d'excitation charnelle, avec le danger qui, telle une promesse, l'attendait partout. Et pourtant, en dépit de sa témérité et des risques qu'il avait affrontés, les mésaventures qu'il avait connues en fait avaient été fort banales, et il eût pu les subir n'importe où."

1962


1956

JAMES BALDWIN
La chambre de Giovanni

Traduction de l'anglais (Etats-Unis) de Elisabeth Guinsbourg

"Il y avait les habituels clients, avec leur début de brioche, leurs lunettes et leurs yeux avides et parfois désespérés, et des garçons minces comme des lames de couteau, avec leur pantalon moulant, dont on ne savait jamais si c’était de l’argent, de l’amour ou du sang qu’ils cherchaient."

"C’est sans doute maintenant que les grilles s’ouvrent devant Giovanni et claquent en se refermant derrière lui pour ne plus jamais se rouvrir ou se refermer pour lui. Ou peut-être tout est-il déjà fini. Ou peut-être tout commence à peine. Ou peut-être est-il encore assis dans sa cellule et regarde, avec moi, le jour poindre. Peut-être, en ce moment même, des murmures s’élèvent à l’extrémité du couloir, trois hommes en noir, grands et forts, se déchaussent, l’un d’eux tient un trousseau de clefs ; la prison est silencieuse, elle attend, vibrante d’appréhension.
Trois étages plus bas, sur le sol pavé, tout est silencieux, comme suspendu ; quelqu’un allume une cigarette. Va-t-il mourir seul ? Je ne sais pas si, dans ce pays, la mort est une affaire solitaire ou publique."


JAMES BALDWIN
La conversion

Traduction de l'anglais (Etats-Unis) de Michèle Albaret-Maatsch

"Tout le monde avait toujours dit que John deviendrait prédicateur quand il serait grand, comme son père. Et les gens le lui avaient tellement répété que John, sans jamais y avoir réfléchi, en était venu à le croire. Il fallut qu’arrive le matin de son quatorzième anniversaire pour qu’il se mette à y réfléchir sérieusement, mais, là, il était déjà trop tard."

1953