BARBARA KINGSOLVER
On m'appelle Demon Copperhead
Traduction de l'américain de Martine Aubert
"Un gamin de dix ans qui se défonce aux cachetons. Pauvres mômes. On est censés dire, regardez-les, ils ont fait de mauvais choix qui les a conduits à une vie de misère. Mais des vies se vivent là, en cet instant précis, se glissant entre les brossez-vous-les-dents, les bonne-nuit-les-petits et les chariots de supermarché remplis à ras bord, où ces mots n’ont pas cours. Des enfants, des choix. Ils étaient déjà pourris, les matériaux avec lesquels on devait construire notre vie. Notre seul repère, c’était un garçon plus âgé qui n’avait lui-même jamais connu la stabilité et qui essayait de nous rassurer. On avait la lune à la fenêtre pour nous sourire un instant et nous dire que le monde nous appartenait. Parce que nos parents s’étaient tirés quelque part et avaient tout laissé entre nos mains."
"J’ai trouvé un bon rocher et j’ai regardé le soleil se fondre dans les Cumberland. Des couches d’orange comme une tarte au babeurre refroidissant sur l’horizon. Des nuages passant à toute allure, jetant des taches sombres ou lumineuses sur les sommets. La lumière avait l’air buvable. Elle se déversait sur une montagne si bien que je pouvais voir la courbe de chaque arbre ourlée d’or, comme des écailles de poisson. Puis elle disparaissait, les reléguant dans l’ombre. Je me suis retrouvé totalement pris par ce spectacle, me réveillant de mon long voyage sous-marin. Sortir à l’air libre est un choc, le blanc est si blanc, le bleu si bleu. L’air qui devient ton souffle."