PAUL LYNCH
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2023

PAUL LYNCH
Le chant du prophète

Traduction de l'anglais (Irlande) de Marina Boraso

"Elle reprend la voiture pour rentrer, passant là où les maisons ont vue sur la mer, et chaque fois qu’elle croise un véhicule, elle scrute la nappe liquide des pare-brise pour distinguer les visages à l’intérieur. Les voilà, tous les anonymes qui ont fait advenir le présent, mais leurs visages n’en ressemblent pas moins au sien, ce sont ceux qui défilent chaque matin dans les rues de la ville, quand celle-ci bascule de la nuit vers le jour dans une respiration immuable."

 " Et quand on prend le contrôle des institutions, alors on prend aussi le contrôle des faits, on peut modifier toutes les formes de croyance, les choses sur lesquelles tout le monde s’accorde, et c’est ce qu’ils sont en train de faire… ils entretiennent la confusion, et si l’on prétend qu’une chose en est une autre et qu’on le répète assez longtemps, eh bien elle finit par le devenir, et il suffit de le répéter indéfiniment pour que les gens l’acceptent comme une vérité - rien de bien neuf là-dedans… "


2019

PAUL LYNCH
Au-delà de la mer

Traduction de l'anglais (Irlande) de Marina Boraso

"Ce n’est pas un rêve de tempête qui suit Bolivar dans la ville, mais plutôt les paroles qu’il a surprises la veille au soir, sans doute dans le bar de Gabriela, et qui lui donnent à présent l’impression de rêver. Qui sait, cela vient peut-être de ce qu’ont raconté Alexis et José Luis – ces deux-là s’y entendent pour semer la pagaille. En tout cas elle persiste, cette impression de rêve. La sensation d’un monde qu’il aurait connu et puis oublié, un appel venu des lointains de la mer."


PAUL LYNCH
Grace

Traduction de l'anglais (Irlande) de Marina Boraso

"Octobre du déluge. Dans la première clarté du jour, sa mère vient à elle et l’arrache au sommeil, la soustrait à un rêve qui lui parlait du monde. Elle la tire, elle l’entraîne, la panique éperdue lui fuse dans le sang. Surtout ne crie pas, pense-t-elle, ne réveille pas les autres, il ne faut pas qu’ils voient maman dans cet état. Mais aucun son ne peut franchir ses lèvres, sa langue est liée, sa bouche scellée, alors c’est son épaule qui s’exprime à sa place. Elle proteste d’un craquement, son bras est comme une branche pourrie que l’on casse d’un coup sec. Affleurant d’un lieu où les mots n’ont pas cours, lui vient la conscience d’un détraquement de l’ordre des choses."

2017


2014

PAUL LYNCH
La neige noire

Traduction de l'anglais (Irlande) de Marina Boraso

"Assis près de la fenêtre, il laisse s’épuiser les heures, le crépuscule lui envoie des ombres tordues, sur la table un trapèze de lumière se retire doucement. À un angle de la table, une ombre se forme, s’étire en se rapprochant de lui, progressant timidement sur le plateau en bois, déploie ses contours et vient se saisir des mains de Barnabas. Elle rampe entre ses bras, il finit par se lever, entravé par ses enroulements, la cuisine obscure, le feu éteint, et cette ombre qui s’est insinuée en lui. Il laisse la lettre sur la table et monte s’enfermer dans sa chambre, les rideaux tirés. "


PAUL LYNCH
Un ciel rouge, le matin

Traduction de l'anglais (Irlande) de Marina Boraso

"Une tension contracte tout son être et Coyle refuse d’admettre qu’il a peur. Pendant des heures il a contemplé avec effroi la lente éclosion du jour. Derrière la vitre trouble, l’aube sur Carnavarn lui apparaît comme gondolée, une moirure de pourpre changeant. Sur les murs, la paresseuse retraite des ombres. Un immense bloc de chagrin entrave sa parole. C’est tout juste s’il a dormi. Tout au long de la nuit, des rêves tourmentés se sont glissés, sournois, dans son sommeil léger, si bien que chaque réveil était une délivrance. Mais bientôt la terreur se reformait autour de lui dans le noir, elle se condensait pour venir l’écraser de son poids formidable."

"Des nuages bas, la pluie tombe sans relâche. Faller ralentit l’allure et oblique vers un sentier étroit et pétri par les pas, suivi de ses compagnons. La laîche crisse, écrasée par les sabots des chevaux, ils parviennent en vue de la tourbière, les molles ondulations des collines sombres masquent à demi la ligne d’horizon. Le sol est tapissé de mousse. La surface de la tourbière a des tons de jaune et de brun, chinée du blanc de quelques moutons épars. On a laissé pourrir une brouette de tourbe qui penche vers une mare."

2013