YVES MARTIN
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1993

YVES MARTIN
Le bouton d'or

"C'était une jeune Noire au chignon presque strict, des yeux, — au fait, quels yeux avait-elle ? — des lèvres libres, oui, c'était cela, leur épaisseur garantissait toutes les libertés. Elle était d'un noir que rien ne calmait, la lumière elle-même s'y brisait, c'était un noir comme devait être le jour de l'éden où aucune nuance n'existait pour le plus grand bonheur des hommes. Elle portait une mini bleue. Elle était petite. Sur le bouton d'or, couraient deux galets limpides."


1990

YVES MARTIN
la mort est méconnaissable

"Un seul y retournera, s'installera
Parmi les usines vides, le chiendent, les chardons, les salades sauvages.
Il imprimera, diffusera un journal local
Une nuit, il se blottira dans sa voiture avec les invendus,
Avec sa compagne, une grenouille,
A l'odeur de cyprine, de semence
A l'arrière goût de chocolat
Il mettra le feu. Une saine explosion
Comme au temps des bouffardes
Dans les cinglants hauts fourneaux! "


YVES MARTIN
Retour contre soi

"ll est indécrottable. Il ne comprend jamais rien. On ne déboule pas comme ça avec ses idées de poète, sa tignasse d’ancien clerc, ses pantalons rasant d’un peu trop près l’asphalte, des chaussures aspergées d’urine, celle du temps, des gens et des bêtes. On ne se contente pas pour tout compagnon d’un journal, encore moins d’un vieux journal
disparu depuis des lunes, Opéra, Arts, Carrefour... ll faut prendre, soulever tous ces bagages. Tous. Sans aide. Surtout ne pas chercher d’excuses: c’est impossible. Comment les traîner ? Ce n’est pas vrai. Cela ne présente aucune difficulté quand on a le recours de l’écriture, ses élasticités, ses tentacules. "

1987


1983

YVES MARTIN
L'Enfant démesuré

"L’école se profile, typique, bourdonnante de liserons, de lierres, de vignes aux innombrables pierres de lune. Elle est séparée de la rue principale par une courte tunique de grillage. La maîtresse est là, le silence s’amuse d’une poignée de billes, de lacets qui grillent comme du maïs, d’un juron qui zozote, se froisse dans l’air comme le feuillage du merle, d’une noix ou d’une noisette qui arment, rien ne manque, pas même l’âne pianola aux oreilles virtuoses. La maîtresse paraît sévère à cause d’un front étroit, de petits yeux broyés et sans couleur ou couleur de gui, de lait masqué par une mouche. Cependant garçons et filles sont sensibles à sa poitrine chaleureuse qui s’esbrouffe comme un fantastique oiseau. Chacun rêve de dormir ou de caresser ses plumes, de lui dire ses gros chagrins ou ses immenses espoirs, ses premières amours cousues de larmes, ses disputes avec les parents qui tombent avec trop de majesté. La petite fille rêve comme ses compagnons et compagnes, mais avec plus de force, d’audace, de précision. Elle mordille la formidable mappemonde comme elle l’a vu faire à un monsieur moustachu sur une gravure du grenier soigneusement glissée dans un livre d’aventure pétillant d’or et d’écarlate."


YVES MARTIN
Je rêverai encore

"Quand ils se quittèrent, il leur sembla être exilés au bord d'une féérie, dont, toujours, un pan leur resterait invisible."

"Le ciel d'une précision insoutenable l'invitait à ne rien faire de sa vie, à baguenauder, à ne prononcer que quelques mots essentiels."

"Les cafards perdront sans témoins leurs guerres millénaires. Les fourmis rouges aborderont les meetings dont on ne revient pas. Je ne puis me lasser de conter ce qu'aurait dû être mon enfance. Qui me parlait l'autre jour de mon culte du passé? Je n'y vois que le présent, un présent qui ne se veut pas linéaire, mais total."

1978


1978

YVES MARTIN
Je fais bouillir mon vin

"Dormir toute une nuit sur un ponton de mer,
Manoeuvrer le froid, ne pas se reconnaître,
M'entendre dire, au matin,
Vieux, vous êtes bredouille. "