HUBERT MINGARELLI
La route de Beit Zera
" Quand il était triste, c’était différent. Il surgissait entre les arbres, s’approchait, grimpait les trois marches et s’asseyait sous la véranda dans un coin, et restait là-dehors. Par expérience Stépan le laissait avec sa tristesse. Il faisait ce qu’il avait à faire comme si le garçon n’avait pas été là.
S’il y avait du vent il lui apportait une couverture. Quand sa tristesse commençait à s’en aller, Amghar quittait son coin, entrait dans la maison et s’asseyait devant la chienne, et avec sa façon à lui, de ses gestes doux, il la caressait pendant un long moment."
"Tout en buvant sous la véranda avec Samuelson, Stépan surveillait la lisière et se demandait comment lui parler du garçon. Il se demandait aussi pourquoi il avait cette gêne. Assis sur les marches, Samuelson le fixait, et à un moment il dit : « Tu en fais une gueule. Pourquoi ? » Au même moment Amghar et la chienne sortirent de la forêt. Apercevant Samuelson, Amghar s’arrêta et n’alla pas plus loin. Samuelson demanda : « Qu’est-ce que c’est ? » Stépan répondit : « Je t’en parlerai. » Amghar demeura un moment devant la lisière, hésitant, puis retourna dans la forêt. La chienne s’approcha et Samuelson l’aida à monter les marches. Elle alla se coucher à côté de Stépan, au pied du fauteuil. Avec légèreté Samuelson demanda : « Alors ? » Stépan répondit : « Il vient des fois. » Il ajouta en posant une main sur la chienne : « Pour elle, pas pour moi. » Samuelson but un coup et demanda : « D’où il vient ? » Stépan répondit : « Beit Zera. » Samuelson écarquilla les yeux, ce qui voulait dire que c’était loin. Puis plus rien, Samuelson ne posa plus une seule question, mais but de bon cœur, et Stépan songea : « Ça alors, c’est pas plus compliqué que ça. » Il but avec soulagement, comme libéré d’un poids. "