"Conséquemment, cela implique qu’on considère les vivants essentiellement comme un décor, comme une réserve de ressources à disposition pour la production, comme un lieu de ressourcement ou comme un support de projection émotionnel et symbolique. Être un décor et un support de projection, c’est avoir perdu sa consistance ontologique. Quelque chose perd sa consistance ontologique quand on perd la faculté d’y faire attention comme un être à part entière, qui compte dans la vie collective. La chute du monde vivant en dehors du champ de l’attention collective et politique, en dehors du champ de l’important, c’est là l’événement inaugural de la crise de la sensibilité. "
" Le tissu du vivant est une tapisserie de temps, mais nous sommes dedans, immergés, jamais devant. Nous sommes voués à le voir et le comprendre de l’intérieur, nous n’en sortirons pas. "
"Les ascendances animales sont partout, dans la totalité de nos comportements, et se manifestent en mosaïques, qui peuvent être détournées, décalées par la culture et la décision individuelle, nos styles intimes de faire avec ces héritages, mais elles sont là à chaque instant, et c’est cela, l’animalité des humains. Quelle joie d’être un animal, alors. "
"On peut dire d’abord que chaque espèce n’est plus à conserver seulement parce que c’est un patrimoine unique, seulement parce qu’elle aurait un droit à la vie inaliénable fondé dans une éthique, seulement parce qu’elle est belle, seulement parce qu’elle peut nous fournir de nouveaux médicaments, seulement par respect de la vie ; ou parce qu’elle est déjà une merveille du point de vue évolutionnaire (ce qui est un fait)… Mais aussi parce qu’elle est l’ancêtre potentiel d’aventureuses formes de vie qui seront des merveilles, même du point de vue le plus humaniste du monde, des espèces plus respectueuses des autres et de leur monde, que nous ne sommes encore parvenus à le devenir."
"Ce dessin, du cartoonist Dan Piraro, est une élégante manière de relier la question de notre évolution à certains enjeux écologiques contemporains. "
Postface Alain Damasio:" Baptiste Morizot le pointe avec brio : la crise écologique actuelle est d’abord une crise de nos relations au vivant. Donc une crise de la sensibilité. Un appauvrissement tragique des modes d’attention et de disponibilité que nous entretenons avec les formes de vie. Une extinction discrète des expériences et des pratiques qui participent de l’évidence de faire corps, de se sentir chair commune avec le monde plutôt que viande bipède sous vide d’art."
" S’ouvrirait ainsi – et puisse ce rêve alimenter les futurs livres de Baptiste – une philosophie qui renouerait avec sa poésie nécessaire tant le vivant, plus que tout autre concept, mieux que tout autre, appelle dans l’écriture une variété de timbres, de poussées, de salves et de sensations, de souffles et de bourgeonnements, bref une vitalité stylistique extrême sans laquelle elle restera un alignement sage de sculptures sur bois. Le vivant ne se décrit ni ne se représente, il se chorégraphie. Il en appelle à la fluence. Il exige sa syntaxe, tempétueusement. "