TONI MORRISON
beloved
Traduction de l'anglais (Etats-Unis) de Hortense Chabrier et Sylviane Rue
"Du haut en bas de la palissade de la scierie, de vieilles roses se mouraient. Le scieur de long qui les avait plantées douze ans auparavant pour donner à son lieu de travail une atmosphère amicale – pour qu'il n'y ait plus de péché à débiter des arbres pour vivre – était stupéfait de leur abondance ; de la vitesse avec laquelle elles avaient grimpé et tapissé la palissade en pieux qui séparait le chantier du pré public voisin où dormaient les hommes sans logis, où couraient les enfants et où, une fois l'an, les forains dressaient leurs tentes. Plus les roses approchaient de la mort, plus leur parfum était violent, et tous ceux qui fréquentaient la foire associaient son ambiance à la puanteur des roses pourries. "
"Il y a une solitude que l'on peut bercer. Bras croisés, genoux remontés, on se tient, on se cramponne et ce mouvement, à la différence de celui d'un bateau, apaise et contient l'esseulé qui se berce. C'est une solitude intérieure, qui enveloppe étroitement comme une peau. Puis il y a une solitude vagabonde, indépendante. Celle-là, sèche et envahissante, fait que le bruit de son propre pas semble venir de quelque endroit lointain. "