THOMAS MULLEN
La dernière ville sur terre
Traduction de l'anglais (Etas-Unis) de Pierre Bondil
" La route menant à Commonwealth1, longue et peu engageante, s’étirait sur des miles au-delà de Timber Falls, s’enfonçant profondément dans les bois de résineux où les arbres croissaient plus haut encore, comme si le soleil les mettait au défi d’atteindre ses trop rares rayons. Telles deux armées perchées au sommet de falaises antagonistes, des sapins de Douglas dominaient de leur grande taille la route jonchée de rochers. Même les voyageurs qui, toute leur vie durant, s’étaient vu rappeler leur insignifiance, ressentaient une humilité particulière le long de cette portion de chaussée, sous la pénombre surnaturelle qui l’engloutissait. Après avoir parcouru bon nombre de miles entre les troncs, elle s’incurvait sur la droite et les arbres s’écartaient un peu. La terre brune et d’occasionnelles souches indiquaient que la forêt n’avait été que partiellement et récemment éclaircie, au prix d’une ténacité extrême. La clairière était en pente légère. Au bas du relief, un arbre coupé de frais bloquait la chaussée. Dans son écorce épaisse un panneau avait été cloué : une mise en garde adressée à des voyageurs qui n’existaient pas, un cri silencieux lancé vers les forêts sourdes. "
" Icare avançait paisiblement et prudemment, probablement effrayé par l’aspect que prenaient les troncs des arbres à la lumière de la lanterne, les cinq ou six mètres inférieurs étant illuminés alors que le reste s’associait au néant, qu’il n’y avait rien d’autre que les esprits de la forêt en suspension au-dessus d’eux. Ou peut-être l’animal était-il effrayé, car il sentait qu’il portait un poids mort, que la légère humidité sur certaines de ses vertèbres était le sang d’un homme encore vivant quelques instants plus tôt. La neige crissait sous ses sabots et Graham oscillait à mesure qu’ils progressaient sur le sol inégal. "