DAVID VANN
La contrée obscure
Traduction de l'américain de Laura Derajinski
"— Feu ! relaie le canonnier, et le canon de proue explose.
Des flammes et de la fumée, le sifflement d’un boulet de fonte à travers la nuit, l’orbe éphémère qui transforme les constellations, et il transperce toutes les voiles de la poupe à la proue, un bruit de déchirure audible même à cette distance. Des cris, portés par le vent au-dessus des flots."
"De Soto comprend qu’Ortiz est passé de l’autre côté et qu’il ne reviendra jamais en arrière, et il éprouve une étrange jalousie. Les expéditions ne se cantonnent peut-être pas à l’or, aux terres ou aux esclaves, elles permettent de quitter sa vie d’avant. De Soto n’aime généralement pas envisager cette possibilité et il est content que personne n’ait le droit de parler. Rien que ses pieds sur le chemin, rapides, et le bruit de sa propre respiration. Il se demande s’il pourrait voyager assez loin pour trouver sa place et ne faire plus qu’un avec cette forêt."
"Et la vie idyllique continue dans le village, avec des sauces de cerf aux châtaignes, des bouillies de maïs parfumées aux baies, des petits cœurs d’écureuils disposés sur le bord de l’assiette de de Soto comme autant de témoignages d’amour. "