TANGUY VIEL
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TANGUY VIEL
Icebergs

"Les vrais livres ont quelque chose de marin, ils sont conçus pour tenir la mer, la contredire même jusqu’à un certain point, à force de fendre les flots, traverser la vague et puis, si possible, avec souplesse retomber dans son creux, armés qu’ils sont de varangues invisibles qui tiennent la coque et l’empêchent de plier. Les vrais livres conservent le long de leur parcours cette résistance à la déformation qui permettra à tous d’être déposés là-bas, de l’autre côté de la fable, déplaçant à la surface de l’eau la masse calculée de leur volume. En ce sens, ce qui suit n’est pas un vrai livre : pas de coque ni d’épontille, encore moins d’étrave pour déchirer aucune mer. Cet ouvrage, à la limite, est un poisson, mais plutôt même, une algue."

"... alors j’ai ouvert un fichier sur mon ordinateur et, dans un mélange de désarroi et de réconfort, j’ai commencé à copier des phrases et des citations. Et c’est comme si là, dans ce fichier, j’avais enfin inscrit mon propre esprit esprit, en le lovant d’abord dans les phrases des autres, un peu comme des couvertures de survie dans lesquelles s’envelopper en plein naufrage."

2019


2009

 

TANGUY VIEL
Paris-Brest

"Il paraît, après la guerre, tandis que Brest était en ruines, qu'un architecte audacieux proposa, tant qu'à reconstruire, que tous les habitants puissent voir la mer : on aurait construit la ville en hémicycle, augmenté la hauteur des immeubles, avancé la ville au rebord de ses plages. En quelque sorte on aurait tout réinventé. On aurait tout réinventé, oui, s'il n'y avait pas eu quelques riches grincheux voulant récupérer leur bien, ou non pas leur bien puisque la ville était de cendres, mais l'emplacement de leur bien. Alors à Brest, comme à Lorient, comme à Saint-Nazaire, on n'a rien réinventé du tout, seulement empilé des pierres sur des ruines enfouies. Quand on arrive à Brest, ce qu'on voit c'est la ville un peu blanche en arrière-fond du port, un peu lumineuse aussi, mais plate, cubique et aplatie, tranchée comme une pyramide aztèque par un coup de faux horizontal. Voilà la ville qu'on dit avec quelques autres la plus affreuse de France, à cause de cette reconstruction malhabile qui fait des courants d'air dans les rues, à cause d'une vocation balnéaire ratée (complètement ratée même, puisque la seule plage de la ville au fond de la rade se trouve là abandonnée, en contrebas de la quatre-voies tumultueuse qui désengorge la ville), à cause de la pluie souvent, de la pluie persistante que en savent compenser les grandes lumières du ciel, de sorte que Brest ressemble au cerveau d'un marin, détaché du monde comme une presqu'île."



Tanguy Viel, invite Stéphane Bouquet, au Tiangle à Rennes, sept 2008 .


TANGUY VIEL
L'insoupçonnable

"Il y avait la nappe blanche qui recouvrait la table et dont avec effort maintenant on pouvait se souvenir qu'elle avait été blanche, lumineuse sous l'effet du soleil quelques heures plus tôt, dressée de cristal et d'argenterie sur pourtant de simples planches de bois posées sur de simples tréteaux avec lesquels toute la soirée il avait fallu que les pieds composent pour ne pas écrouler l'édifice. "

2006


TANGUY VIEL
Maladie

"Vous ne comprenez pas. Si je venais vous voir en disant que je veux guérir, si j'ouvrais la porte de votre cabinet en disant soignez-moi, vous ne comprenez pas, cela ferait encore partie de ma maladie, tout fait partie de ma maladie, jusqu'aux moments où je ne suis pas malade. Il n'y a rien à faire contre une maladie comme la mienne, une maladie qui reste à l'intérieur de moi, qui s'occupe de moi sous tous les angles, physiquement, mentalement, une maladie pour empêcher la vie de se dérouler normalement, toujours là, quelque action que j'entreprenne, quelque comportement que je montre, toujours là, partout. "

2002


2001

TANGUY VIEL
L'absolue perfection du crime

"...comme si le dehors là-bas, outre l'écume de la mer et la ville ( Brest ) au loin derrière, comme si quand le soleil s'absentait seulement la couleur chlorophylle bravait la transparence du verre et venait assombrir l'intérieur des âmes, l'intérieur des murs d'abord puis, par extension, l'intérieur des âmes. On était comme des gosses quand le crachin ou la grisaille, quand cela aurait suffi plus jeunes à mettre fin à nos jours, quelquefois, à cause de la fêlure qui s'ouvrait en nos coeurs, à cause de cette pluie ou des arbres trop verts qui semblaient nous vomir dessus, on s'énervait, on travaillait mal, et on attendait la nuit pour y noyer l'angoisse."


TANGUY VIEL
Cinéma

"Une voiture de sport, la voiture rouge de Milo Tindle, qui roule dans l'allée qui mène au château, au manoir qu'on voit de face et qui en impose. Tindle, c'est son nom, c'est un Anglais, et il se gare dans la cour du manoir, sur le gravier, avec sa voiture de sport rouge, et sa veste étriquée très à la mode dans les années soixante­dix. Il en sort, de sa voiture rouge (avec ses initiales inscrites sur le côté, sur l'aile droite, rajoutées par-dessus la peinture, c'est écrit : M.T., comme Milo Tindle). "

 

1999


1998

TANGUY VIEL
Le Black Note

"Je ne vous ai jamais menti, parce que mentir, c'est comme si des choses pouvaient être fausses, comme si elles n'avaient rien à faire dans notre monde, et ça n'existe pas, cela, le mensonge, ça n'existe pas."