BENJAMIN WHITMER
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BENJAMIN WHITEMER
Dead Stars

Traduction de l'anglais (Etats Unis) de Jacques Mailhos

"Le bar, le Gadget, se trouve en haut d’une côte à moins d’un kilomètre du portail ouest des Plains. Derrière lui, les ondulantes prairies d’herbe brunie sont comme une couverture jetée sur les contreforts des Rocheuses. Avec ses bardeaux de pin rendus gris par le vent et le soleil, cette bâtisse a l’allure d’un avant-poste commercial à l’époque des colons. Sur le côté, une clôture anti-coyotes borde un patio en terre battue avec des chaises en plastique renversées en tous sens, et il n’y a que deux voitures sur le parking gravillonné."

"Whitey lève sa main qui tient l’arme vers le plafond, sous un halo de soleil filtré par la poussière. Ses longs cheveux et sa barbe grisonnants flottent dans la lumière en suspens et le moment se fige. C’est un de ces moments où Hack voit réellement Whitey. Pas le petit garçon avec qui Hack a grandi. Pas son frère potelé avec ses carnets qui semblait toujours rentrer à la grande maison le visage rougi par une longue marche sur la plaine. L’homme que tous les autres gens voient. Whitey a passé sa vie entière à devenir cet homme à cause du petit garçon qu’il était, et Hack a vu tout ça, minute après minute, et il pense sincèrement qu’Uri serait fou de ne pas prêter la plus grande attention à ce que Whitey lui dit."

2025


2020

BENJAMIN WHITMER
Les dynamiteurs

Traduction de l'anglais (Etats Unis) de Jacques Mailhos

"C'est dans les nuits sans sommeil que je pense à Denver.
Celles que vous passez quand vous grimpez dans un train de marchandises vide qui quitte l’Oklahoma, avec la poussière rouge qui danse sur le plancher, virevolte et défile en cyclones, et que votre présence insomniaque crée un silence tourmenté, terrorisé, qui se propage comme un cancer aux autres vagabonds. Ou quand vous vous trouvez dans la mangeoire d’un wagon à bestiaux qui traverse le Texas et que vous êtes sur le point de tourner maboule à cause du beuglement des longhorns, alors vous sautez à terre et vous restez éveillé jusqu’à l’aube, à l’abri de la pluie dans la cabane de chiotte au toit qui fuit de je ne sais quelle maison ravagée par les flammes. "

" Ma tête se mit à palpiter de noir tant ce monde était immense, disjoint et vide. "


2018

BENJAMIN WHITMER
Evasion
Traduction de l'anglais (Etats Unis) de Jacques Mailhos

"Les prisons sont là pour cacher que c’est le social tout entier, dans son omniprésence banale, qui est carcéral."
JEAN BAUDRILLARD


" IL rêve encore du Mexique. De passage de frontière. De quitter sa peau d’Américain comme un serpent qui mue. Puis de marcher dans le matin froid, corps pétri par l’étouffante sensation de n’avoir pour ainsi dire aucune vie propre, pas dans ce coin-là. Il y a ici des lois pour lesquelles les Mexicains n’ont toujours pas trouvé de mots. Des lois de territoire, des lois pour la décence, des lois pour la façon de marcher, des lois pour la vitesse. Des lois qui prolifèrent comme des cellules cancéreuses, et derrière elles des prisons qui jamais ne se vident, qui bourgeonnent dans les petites villes américaines comme des tumeurs. Pike se souvient de la première bouffée d’air qu’il aspira la première fois qu’il traversa le Rio Grande. Cet air était grand et propre, et l’avait rendu tel. Il se réveille et fume une cigarette au lit. Il réfléchit. Puis il va jeter un coup d’œil à Bogey. Toujours en vie. Recroquevillé en caleçon dans la baignoire, son corps noueux luisant de sueur, peau pâle et frissonnante. Il a l’air de s’être fait torturer, plus d’une fois. Son torse de moineau est lacéré de cicatrices, et il a un coude bosselé, déformé, et une marque de brûlure mouchetée en forme de T sur l’omoplate gauche, étirée et tordue comme si on avait appliqué le fer rouge alors que le jeune gars se débattait comme un damné. Et son ronflement siffle et crisse comme les ronflements qui passent par des nez amochés. Et il y a une ecchymose qui lui traverse la poitrine de part en part. Violet, noir : la puissance de la poussée de Pike. Pike actionne la ventilation, allume une cigarette, les yeux fixés sur l’ecchymose."


BENJAMIN WHITEMER
Cry father

Traduction de l'anglais (Etats Unis) de Jacques Mailhos

"Ce qui se passe, quand on travaille dans des zones sinistrées, c'est qu'on s'attend à ce que le reste du pays soit en meilleur état. Et peut-être bien que certains endroits le sont. Certaines parties des côtes, peut-être, là où vivent les gens importants. Mais l'intérieur est en naufrage perpétuel et les ruines que laisse un ouragan ne sont pas différentes en degré de celles que l'on trouve dans n'importe quelle ville du Midwest."

2014


2010

BENJAMIN WHITEMER
Pike

Traduction de l'anglais (Etats Unis) de Jacques Mailhos

"Ce gosse se consume de l'intérieur, n'importe qui peut le voir. Il vient d'une tribu radicalement privée de calme. Ils étaient partout, les uns sur les autres, et marchaient à l'agressivité comme un moteur roule à l'essence, à se courser dans la maison et à s'affronter les uns les autres en une série sans fin de petites haines et collisions mineures. Ce gosse fait ce qu'il peut pour adoucir le bruit avec lequel ils l'ont rempli, apaiser leurs brûlures, oublier leurs suicides. Mais il n'existe pas encore de drogue pour ça."