LIONEL BOURG
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Une passion enfantine

Tableaux Max Ernst


Une passion enfantine

Quelque chose n'allait pas. Ou ne tournait pas rond.
On avait cinq ans, six peut-être. Il faisait froid et, derrière le carreau d'une fenêtre, la même neige toujours nonchalante tombait, la même pluie, de sorte que l'on se demandait parfois si la vie ressemblerait un jour à autre chose ou jamais ne serait que cette chute lente des flocons, et ce ruissellement, là, sur la vitre embuée, la grosse tête ronde que l'on y dessinait ne s'avérant pas tellement différente de celle découverte chaque matin dans la glace au-dessus du lavabo.
Au reste, on n'avait que peu d'importance.


N'était rien que ce long silence blanc, dehors, cette eau sale bientôt, que l'on regardait s'écouler dans le caniveau, quelques mots mal prononcés ou cette petite voix à l'intérieur du crâne, laquelle répétait les paroles d'une pauvre chanson.
Les heures passaient.
Chacun s'y accordait vaguement, pas vraiment triste, heureux pas davantage, attendant, scrutant, par delà les toits de la ville ou dans les rues devinées en se penchant, l'étendue restreinte encore d'un univers que tout rendait le soir moins abordable. C'était étrange, pourtant. Il y avait cela, que l'on ignorait – cette rumeur, là-bas, et comme un paysage –, puis cette chair, en soi, qui désirait comprendre.
Comprendre...




Savoir pourquoi l'on n'était que ce rien, ou ce très peu, justement.
Mesurer, étreindre l'étendue qui s'effilochait au loin. Se lovait si près toutefois au sein de cette énigme que l'on disait être le monde. Connaître ce qu'il y advenait, avec violence, avec douceur certaines nuits, si bien qu'écrire fut et demeure, pour qui n'eut pas l'occasion de choisir, l'élucidation sans trêve d'un étonnement comme d'une inquiétude : être, d'accord, mais être inéluctablement ce que son propre souffle efface, un gosse, un adulte fatigué – un peu de pluie, un peu de neige...

Lionel Bourg