GILLES A.TIBERGHIEN
        De la nécessité des cabanes
        "Les cabanes se  différencient enfin des maisons pour une troisième raison : elles n’ont  pas de seuil, pas de limite entre l’intérieur et l’extérieur. Vous me direz  qu’elles ont tout de même une porte et des fenêtres même si elles sont faites  de tissus ou de bouts de carton. C’est vrai, mais si vous pensez à ce que sont  vos cabanes, vous savez bien qu’elles n’ont pas vraiment de limites de ce  genre ; elles sont ouvertes à tout vent, au vaste monde extérieur, réel et  imaginaire, et l’on y entre comme dans un moulin même si vous en défendez  jalousement l’entrée. Seules des personnes privilégiées, celles que vous  choisissez, peuvent y pénétrer — à condition que vous les invitiez à  le faire. Les cabanes ne nous abritent que pour mieux nous exposer au monde, à  la nature qui nous entoure, mais aussi à notre nature, enfin celle que nous  pensons être la nôtre en tout cas. Ici l’intérieur et l’extérieur s’échangent  en permanence."
      "Pour les adultes, un bureau, un garage, une  buanderie, une cuisine peuvent être des cabanes dans leur genre, des espaces  que nous avons investis et qui nous permettent d’être nous-mêmes tout en  accueillant le monde en nous. La cabane est un jeu au sens où vous l’entendez  communément quand vous dites que vous allez jouer, mais aussi au sens où  l’entend Winnicott, une activité qui engage une façon de communiquer avec un  autre quel qu’il soit, tout en nous préservant d’une certaine façon. Si l’autre  est trop près de nous, nous ne savons plus qui nous sommes. S’il est trop loin,  nous ne savons plus qui il est. Le jeu nous permet de trouver la bonne  distance."