Arrivé « au seuil de » la vieillesse je commence à essayer de penser vraiment.
Je pense, étonné, par exemple, que l’absence de paillasson devant le dit seuil ci-dessus mentionné est vraiment curieux. Il semblerait bien nécessaire, voire indispensable, de pouvoir nettoyer vaguement les semelles de ses grolles, forcément bien embrenées à ce stade de l’existence, avant de le franchir, le dit seuil, non ?
Est-ce cela penser ?
Sans doute.
Peut-être .
Why not ?
Penser (essayer de : je ne le répèterai pas à chaque fois , cela sera sous entendu) c’est d’abord se nettoyer les godasses de tout le poids de bouillasse dans laquelle on a pataugé . allègrement d’ailleurs .
(note : premier poids de merde : les mots , on ne pense librement que pendant quelques mois après le passage du premier seuil )
Penser/dé-penser
Je pense je dépense
Penser gratuitement
Penser pour de jeu
Note : quelques jours après ces premiers «reflexions » je sens que ça m’importe . Sans que cela soit « important » . Mais je sens que j’ai besoin d’essayer cette pensée « au seuil de ».
Penser à partir des taches de peinture (couleur « gris mouette ») sur mes doigts ce soir . J’ai repeint les lourds volets de chène de la fenêtre d’Ouest . Elle prend plein fouet la plupart des averses et orages . Trois couches . Ces taches de peinture , à peine taches en réalité je me suis nettoyé les mains au white , traces de taches , me disent énormément de choses . Mais je ne sais pas encore les penser ces choses là .
Cette évidence : « les mots sont piègés » sont pièges à loup renard et toute autre bestiole libre qu’on voudra , quiconque a expérimenté (are you experienced ? question éminemment philosophique posée par Jimmy Hendrix) l’écriture d’un poème sait ça . J’émets l’hypothèse que les philosophes – au sens académique du terme (que je n’ai pas lus) – n’ont pas cette expérience . Ils font confiance aux mots . Croient qu’en les assemblant convenablement , ça s’appelle argumentation cet assemblage convenable , ils démonteront ce qu’ils veulent démontrer . Les seules philosophies « convenables » doivent portant démarrer (démâter ?) de là : les mots sont piégés .
« au seuil de » la vieillesse : beaucoup bute sur ce seuil là : « ch’us pas vieux » . Non bien sur , ne le sont pas puisqu’ils refusent de l’être , en conformité avec la doxa contemporaine qui classe les âges comme des blédines d’antan : 4e age 5e etc etc Le mot « vieux » n’est pas sale pourtant ? Penser pour nettoyer les mots ? pas les briquer comme à neuf , juste les nettoyer . Si on refuse de dire « je suis vieux » comment dire «je suis jeune » ? d’où tant de faux jeunes et de faux vieux . Et entre deux un ensemble assez flottant . Est-ce penser ? Doute !
Note perso : je ne sais ce qu’ont écrit Kant ou Hegel ou Heidegger etc mais « ça » (comment définir cette suite de mots ? aphorisme ? note ? axiome ? ) « skieur au fond d’un puits » de HM , me fait penser depuis (longtemps) que je l’ai lue .
Se dire , se répeter , vrai principe de précaution : « est ce que c’est toi qui penses ce que tu dis penser ? » . la plupart de nos « pensées » sont pavloiennes : l’un, par exemple , pense « de gauche » l’autre « de droite » . L’un pense chétiennement l’autre islamiquement etc Pensée pré-pensée .
Je me souviens de mon ébahissement à la lecture de l’article Wikipédia sur les genres et sous genres et sous sous genres des musique « heavy metal » : un accro au « death metal » porte sans doute aux gémonies un adepte du « gothic metal » , et un fondu du « metal symphonique » les dédaigne tous les deux !
faire se cotoyer deux mots
gaza israel
musulman juif
par exemple
n’est pas penser
« ça » j’arrive peu prés à le penser
(mais suintent abondamment des tas de fausses pensées , d’effusions , confusions , infusions etc …)
(on peut préférer le sépia , les nuances de gris , au noir et blanc brut de décoffrage )
Beaucoup (j’en suis) croit penser alors qu’ils ne font que des bruits de bouche , lachent des vents verbaux , autrement dits des pets , parfois ridiculeusement sonores , parfois nauséabonds .
Parfois des instants de pure et absolue non-pensée : par exemple quand une carpe vous casse votre ligne alors que vous l’aviez –à votre avis – manœuvrée précautionneusement . Tout ce qui peut ressembler à une pensée est alors aboli . Vous êtes entière dépitation . Le dépité ne pense pas .
Et si ce que je tentais c’était de l’essayage de penser ? façon tailleur d’antan : tenez vous plus droit monsieur que je prenne correctement vos mesures sinon ça va plisser de partout !