GILLES CLEMENT
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Résistance:" espace partagé par un ensemble volontaire où se rejoignent et s'organisent les tenants d'un projet politique et social. La résistance fonde les bases d'une histoire à venir où se joue l'équilibre des sociétés humaines et des milieux dans lesquels elle évolue et dont elle tire constamment parti. Pour les êtres rejetés dans l'ombre elle offre une plage de lumière, une perspective, un territoire mental d'espérance."


GILLES CLEMENT
Notre-Dame-des-Plantes

"...à la question posée par une personne du public sur ce qu’il pensait du chantier de reconstruction de Notre-Dame, Gilles Clément répondit : « Puisque la lumière est enfin entrée dans ce lieu, il n’y a qu’à en faire un jardin ! »"

"Sur la place du Parvis s’élevait le bucher des huguenots ; le bourdon de Notre-Dame (ne pas confondre avec le bel hyménoptère velu nommé Bombus, il s’agit d’une grosse cloche et non d’un insecte pollinisateur), conviait les catholiques fervents à se repaitre des souffrances de ceux qui pensent autrement. On ne sait si les huguenots partaient directement au paradis du seul fait d’être soumis au génocide en un lieu qui se dit « parvis » ou si le massacre en place publique justifiait de porter le site à la plus grande hauteur des cieux. Comme vous le savez, les guerres de Religion ne datent pas d’hier. Elles ont laissé des traces.
Le premier travail du jardinier de Notre-Dame consiste donc à effacer le parvis afin d’en faire un jardin d’approche et non un bucher. "




GILLES CLEMENT
le salon des berces

"Devant moi la chlorophylle à perte de vue, l'espace ordonné des cultures, les forêts, les routes et leurs injonctions, les mots partout écrits, les limites, le cadastre, les clôtures, les murs...
La propriété.
Cette question douloureuse – être quelque part – je ne l'ai pas résolue.
Toujours en moi cet affrontement : se mouvoir, se poser. J'ai fait le tour du monde, j'ai construit une maison. Pour le reste, il s'agit d'expérience. Ce mot-là, expérience, contient le savoir et son usure : la remise en question. C'est un pluriel. Mais il faut l'écrire ainsi, enveloppé dans le mystère du singulier, non pour annuler la divergence des pistes qui forgent l'expérience même, mais pour souligner sa nécessaire cohérence dans le temps. Elle est une et continue."


GILLES CLÉMENT
Le grand B.A.L.

"Gaby, perdu dans sa bière, se regarde en elfe impondérable et magique, lui le prisonnier d’un fauteuil roulant. Il sourit : Je n’irai pas à l’économie, ah non je n’irai pas, ce sera le jeu de la vie, une simple farce où l’amour fissure l’édifice bien construit de la pensée correcte ; j’aime les autres, le ciel et l’eau, la rumeur des villes, la douceur du crépuscule, l’air amenuisé par un filtre de haie ou par une foule de corps humains. Les parfums d’un monde proche et rendu invisible par tant de présence."

"À quel moment le désir d’être lui sans se poser de questions avait-il surgi ? S’agissait-il d’un surgissement ou d’un simple mûrissement, quelque chose de lent et naturel, inscrit dans ces profondeurs animales qu’en dépit des ordres partout formulés au nom de la bienséance nul ne parvient à contenir ? Serait-il, lui, sans dessein, sans procès, sans parrainage et sans famille, un ange définitif, multiforme et orphelin ? "


Possible récit d’un futur hélas crédible, Le grand B.A.L. aborde la question de la privatisation du bien commun au seul bénéfice du marché par une maîtrise de la “nature” ou, plus exactement, par une illusion de cette maîtrise que Gilles Clément dénonce, à la manière d’un Voltaire, en présentant le théâtre du monde comme un jeu de performances absurdes. Par la mise en dérision des situations, des personnages, des institutions et, d’une façon générale, des règles de la bienséance et de l’ordre établi, son roman inverse certaines valeurs considérées comme immuables, mais la nature profonde des personnages reflète une sensibilité humaine intemporelle sans aucun rapport avec l’évolution de la technologie. C’est donc avec leur fragilité et non comme des êtres robotisés que les “danseurs” de ce B.A.L. apparaissent.


GILLES CLEMENT
manifeste du tiers paysage

Si l'on cesse de regarder le paysage comme l'objet d'une industrie on découvre subitement — est-ce un oubli du cartographe, une négligence du politique? — une quantité d'espaces indécis, dépourvus de fonction sur lesquels il est difficile de porter un nom. Cet ensemble n'appartient ni au territoire de l'ombre ni à celui de la lumière. Il se situe aux marges. En lisière des bois, le long des routes et des rivières, dans les recoins oubliés de la culture, là où les machines ne passent pas. Il couvre des surfaces de dimensions modestes, dispersées comme les angles perdus d'un champ ; unitaires et vastes comme les tourbières, les landes et certaines friches issues d'une déprise récente.
Entre ces fragments de paysage aucune similitude de forme. Un seul point commun : tous constituent un territoire de refuge à la diversité. Partout ailleurs celle-ci est chassée.
Cela justifie de les rassembler sous un terme unique. Je propose «Tiers paysage», troisième terme d'une analyse ayant rangé les données principales apparentes sous l'ombre d'un côté, la lumière de l'autre.
Tiers paysage renvoie à Tiers état (et non à tiers-monde). Espace n'exprimant ni le pouvoir ni la soumission au pouvoir.
Il se réfère au pamphlet d'Emmanuel-Joseph Sieyès de 1789 :
« Qu'est-ce que le Tiers état ?
— Tout.
— Qu'a-t-il fait jusqu'à présent ?
— Rien.
— Qu'aspire-t-il à devenir?
— Quelque chose.»



GILLES CLEMENT
Thomas et le Voyageur

Je vous écris d'un pays très ancien, c'est une île, un fragment de continent en dérive, il porte en lui l'avantage du temps et ses impertinences : la douceur et l'invention de l'érosion ; le vent du Sud le brosse sans arrêt, il entretient à grande vitesse les vagues de lumière et de pluie, les forêts, les herbes et tous leurs habitants ; c'est un travail millénaire, un étonnement, un commencement du monde.


"Vous me proposez ville en défi. Je n'avais pas prévu cet écart. Comment aborder la traversée d'un mot pareil ? Je suis à l'aise au désert et partout dans les forêts ; j'espérais plage ou plaine, rive ou mer, voire océan, n'importe quoi de grand. Je veux bien m'attaquer aux lisières, à l'imprévisible faille d'une frontière naturelle. Au lieu de cela je dois regarder ville et sans doute au-delà : franchir. Dans la ville, à mes yeux, les êtres se figent et s'évanouissent. J'y croise les regards absents de l'humanité mécanisée. Je m'y sens fou et déshérité. Mais aussi attendu. Espéré à distance. La ville m'attire pour cette foule absente à elle-même et sans innocence, pour son architecture, l'énormité de son existence, sa puissance claire, entièrement dévoilée mais pourtant lointaine, pour ses richesses exagérées, ses perspectives souveraines, inutiles. La ville m'attire par son exotisme implacable et peuplé d'interdits tentants."

"La ville d'aujourd'hui est construite comme un réseau de conducteurs - le modèle électronique lui ressemble - sur la base de chemins continus, différenciés et balisés, valant pour chaque usage. Chacun d'eux est filant, bordé, signalé et parfois colorié. Le vocabulaire urbain est très surprenant, il ne semble composé que de contraintes fonctionnelles, comme si le but essentiel de la ville n'était pas d'abriter l'humanité mais de la faire circuler.
Trottoir, bordure, chaussée, caniveau, passage piétonnier, passerelle, souterrain, tunnel, cul-de-sac, rue, ruelle, impasse, avenue, boulevard, cours, barrière, guichet, porte... Rien ne prévoit la divagation, sauf quelques jardins inscrits dans le flux comme des pauses.

 




Les rencontres d'été sont organisées par la librairie PLANETE IO (rue Saint-Louis à Rennes) aux Beaux Arts.
Rencontre de vendredi 26 août 2005: Gilles Clément, jardinier et écrivain...

"Et si la pratique d'un métier était aussi un parcours initiatique, un chemin vers la connaissance de soi au monde?"




Traité succint de l'art involontaire

"L'art involontaire se glisse dans les failles du temps. Il échappe aux rangements patrimoniaux et, comme tout ce qui hésite face à trop de lumière, il contourne les aires étendues de la bienséance, il se tient à l'ombre, farouche.
Mais, par instant et par jeu, il apparaît sans avertir, sauvagement, en des lieux surpeuplés ou déserts, scène mineure, à l'abri des regards.
Et là, gloire solitaire, il propose ses réponses orphelines. Car jamais personne, on le sait, ne pose sur lui de question.
Et pendant quelques temps il brille ."


La sagesse du jardinier

"Territoire d'incertitude - de notre propre incertitude - le jardin transforme nos gestes dérisoires en instants sacrés. Serait-il en mouvement, ce jardin, que les instants rares dont nous avons besoins se multiplieraient. Etonnements. De tant de justesse dans la position d'une branche que l'on découvre."


Le jardin en mouvement
De la vallée au parc André Citroën

"Laisser le regard flotter sur la fissure du mur. Se dire qu'elle est ancienne mais la découvrir. Tirer à soi les draps, et repousser les couvertures. Ne pas chercher l'oreiller..."




Les libres jardins

"Chaque morceau de terre peut être considéré comme un morceau de Terre, chaque jardin, comme le fragment d'un jardin beaucoup plus grand, étendu aux limites de la planète."


Eloge des vagabondes

"Les plantes voyages. Les herbes surtout.
Elles se déplacent en silence à la façon des vents. On ne peut rien contre le vent. "


Les portes

"...La laitance noircie des mortiers dessine entre les plages encore blanches, un voile gris. Le suint de la ville s'y colle et l'océan d'ici - indien par ce côté - ne lave rien quelle que soit la marée. Les maisons moites s'agglutinent dans l'air épais comme une soupe. Elles poissent. On dirait du nougat. L'une d'elles éprouve encore son ardeur à l'ardeur tropicale. Façade à balcons, ocre dans les tons; hall immense, sonore encore des fêtes disparues - noyées avant 60 - et, plus haut, en retrait, les étages à coursives où s'alignent face à face lespersiennes de bois."


Nuages

"Nous sommes dans l'eau.
Nous pensons respirer de l'air. Nous respirons de l'eau."

"Le vent trousse les forêts, lisse les landes, contourne les roches, ici ou ailleurs, occupe les interstices qui lui donnent prise, déforme les volumes, parfois les brise; Par endroits la peau de la Terre change de figure. Ses capacités à retrouver un aspect en accord avec le système en place dépendent à la fois de son élasticité biologique et de son pouvoir inventif."


Le site de Gilles Clément