"Cette évidence du travail comme monde commun déjà là, prêt à reprendre ce qui était aliéné dans les rapports marchands et dans les structures étatiques, a disparu dans l'univers contemporain du capitalisme financier, de l'industrie délocalisée et de l'extension du précariat qui est aussi un univers où la médiation capitaliste et étatique est partout. Et, au fond, la fameuse «loi travail» était une déclaration de péremption définitive du travail comme monde commun."
"Il n'y a plus de communauté déjà-là qui garantisse la communauté à venir.La communauté est devenue avant tout un objet de désir. C'est le phénomène marquant du mouvement des places et des occupations."
"Sur la place de la République, comme à Liberty Plaza ou à la Puerta del Sol, la centralité de la forme-assemblée a montré en même temps la puissance d'un désir de communauté et d'égalité mais aussi la façon dont ce désir s'inhibe lui-même et s'enferme dans sa propre image, dans la mise en scène du bonheur d'être ensemble. Or le problème n'est pas de passer de l'individualisme à la communauté mais de passer d'une forme de communauté à une autre."
"L'émancipation, cela a toujours été une manière de créer au sein de l'ordre normal du temps un temps autre, une manière différente d'habiter le monde sensible en commun. Cela a toujours été une manière de vivre au présent dans un autre monde autant - sinon plus - que de préparer un monde à venir. On ne travaille pas pour l'avenir, on travaille pour creuser un écart, un sillon tracé dans le présent, pour intensifier l'expérience d'une autre manière d'être."
"Ce qui rapproche aujourd'hui l'art de la politique, c'est de s'intéresser plus aux mots et aux images, aux mouvements, aux temps et aux espaces et aux combinaisons diverses et mouvantes de ces éléments (performance, mise en scène, installation, exposition, etc.) qu'à un renouvellement interne des arts constitués. On pourrait aller plus loin et dire que l'un des caractères dominants de l'art d'aujourd'hui, c'est l'établissement de liens transversaux entre des pratiques normalement séparées.[...] Cette recherche de communauté entre des pratiques et des mondes, par laquelle se poursuit aujourd'hui la révolution esthétique, est quelque chose de bien plus profond que les performances liées au mot d'ordre bureaucratique qui veut que l'art travaille au "remaillage" du lien social détruit."
" Et surtout le capitalisme est plus qu'un pouvoir, c'est un monde, et c'est le monde au sein duquel nous vivons. Ce n'est pas aujourd'hui la muraille que les exploités devraient abattre pour rentrer en possession du produit de leur travail. C'est l'air que nous respirons et la toile qui nous relie."
"En somme on retombe sur l'idée que la seule manière de préparer le futur est de ne pas l'anticiper, de ne pas le planifier, mais de consolider pour elles-mêmes des formes de dissidence subjective et des formes d'organisation de la vie à l'écart du monde dominant. On retombe sur l'idée qui est depuis longtemps la mienne que ce sont les présents seuls qui créent les futurs et que ce qui est vital aujourd'hui, c'est le développement de toutes les formes de sécession par rapport aux modes de perception, de pensée, de vie et de communauté proposés par les logiques inégalitaires. C'est l'effort pour leur permettre de se rencontrer et de produire la puissance accrue d'un monde de l'égalité."