MIGUEL ANGEL ASTURIAS
Vélasquez
Traduction de l'espagnol (Guatemala) de Geneviève Lambert
"Le cercle de solitude infranchissable dont les rois et les princes de Vélasquez sont entourés possède une autre origine, plus complexe. Il a pour principe l'atmosphère d'amertume et de désenchantement qui imprègne de manière significative la littérature moraliste et la philosophie espagnole du XVIIe siècle - absence de confiance dans la bonté de l'homme, monde appréhendé comme un lieu obscur d'ingratitudes, de félonies et de tromperies."
"Vélasquez eut la chance de vivre et de peindre une époque conforme à son art. S'il avait vécu une génération plus tôt, son pinceau n'aurait peut-être pas produit des formes vivantes et totalement privées de transcendance, mais des formules d'atelier et des programmes théoriques. Sa peinture est typique d'une époque de l'histoire spirituelle espagnole et européenne qui a vu sombrer tous les « idéalismes » ; en réalité, il peint avec une égale absence d'irradiation morale et émotive un fruit, un broc ou un saint Jean. Qui sait si la grande révolution de Vélasquez ne tient pas au fait que, pour lui, les catégories classiques du beau et du laid n'existent pas. À la beauté « idéale », il n'oppose pas la laideur, comme le feront de manière polémique les romantiques, mais la simple concrétion exaltée de ce qu'il « voit », la reproduction impitoyable des volumes - qu'ils représentent une vulgaire taverne, des nains, des bouffons ou des princes -, sans intervenir sur la part de beauté ou de laideur que ses thèmes comportent "en soi".Avec l'impassibilité d'un esprit scientifique baroque, d'un artiste nourri de profondes exigences cosmiques, il insère ses créations dans l'intégrité de leur milieu, dans leur rapport spatial et luministe avec les autres êtres."