J.M. COETZEE
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J.M. COETZEE
Le Polonais
Traduction de l'anglais (Afrique du sud) de Sabine Porte

"Dès que le Polonais entre dans la lumière, il commence à changer. Avec sa magnifique crinière argentée, son interprétation caractéristique de Chopin, le Polonais promet d’être un personnage singulier. Mais sur le plan de l’âme, des sentiments, il est d’une opacité troublante. Quand il est au piano, il joue avec âme, c’est indéniable ; mais l’âme qui le gouverne est celle de Chopin, non la sienne. Et si cette âme semble curieusement sèche et sévère, elle indique peut-être une certaine aridité dans son tempérament."

2024


2009

J.M. COETZEE
L'été de la vie
Trilogie autobiographique Une vie de province 3
Traduction de l'anglais (Afrique du sud) de Catherine Lauga du Plessis

22 août 1972
"Dans le Sunday Times d'hier, un reportage sur Francistown au Botswana. La semaine dernière, en pleine nuit, une voiture, modèle américain de couleur blanche, s'est arrêtée devant une maison dans un quartier résidentiel. Des hommes portant des passe-montagnes ont sauté du véhicule, ont enfoncé la porte à coups de pied, et se sont mis à tirer. Après quoi, ils ont mis le feu à la maison et sont repartis. Des cendres, les voisins ont tiré sept corps carbonisés: deux hommes, trois femmes, deux enfants. "


J.M.COETZEE
Vers l'âge d'homme
Trilogie autobiographique Une vie de province 2
Traduction de l'anglais (Afrique du sud) de Catherine Lauga du Plessis

"Il habite un logement d'une seule pièce près de la gare de Mowbray, qui lui coûte onze guinées par mois. Le dernier jour ouvrable de chaque mois, il prend le train et se rend en ville, dans Loop Street, où A. & B. Levy, agents immobiliers, ont leur plaque de cuivre et un tout petit bureau. C'est à M. B. Levy, le cadet des frères Levy, qu'il tend l'enveloppe contenant le montant du loyer. M. Levy vide l'enveloppe sur son bureau encombré et compte l'argent. Il grogne et il transpire en rédigeant la quittance. « Voilà, jeune homme ! » dit-il et il la lui remet d'un geste théâtral. "

2002


1999

J.M.COETZEE
Disgrâce

Traduction de l'anglais (Afrique du sud) de Catherine Lauga du Plessis

"Quand tu étais petite, et que nous habitions encore à Kenilworth, les voisins avaient un chien (...). Dès qu'il y avait une chienne dans le voisinage, il s'excitait, on ne pouvait plus le tenir, et ses maîtres (...) le battaient.
On peut punir un chien, me semble-t-il, s'il désobéit ou, par exemple, se fait les dents sur une pantoufle. Un chien verra la justice de la punition : il mange une pantoufle, on le bat. Mais le désir, c'est une autre histoire. Aucun animal ne verra de justice à se faire punir pour obéir à ses instincts.
- Alors il faut permettre aux mâles d'obéir à leurs instincts sans les contenir. C'est ça la morale ?
- Non, ce n'est pas ça la morale. Ce qu'il y avait d'ignoble dans le spectacle de Kenilworth, c'est que le pauvre chien s'était mis à haïr sa propre nature. Il n'était plus nécessaire de le battre. Il était prêt à se punir lui-même. A ce stade, il aurait mieux valu l'abattre."


J.M. COETZEE
Scènes de la vie d'un jeune garçon
Trilogie autobiographique Une vie de province 1
Traduction de l'anglais (Afrique du sud) de Catherine Glenn Lauga

"Ils habitent dans un lotissement juste en dehors de la ville de Worcester, entre la voie ferrée et la route nationale. Les rues du lotissement ont des noms d'arbres, mais il n'y a pas encore d'arbres le long des rues. Leur adresse est 12, avenue des Peupliers. Toutes les maisons du lotissement sont neuves et identiques. Elles sont construites au milieu de grandes parcelles de terre rouge et argileuse où rien ne pousse, séparées les unes des autres par des clôtures de fil de fer. Sur le terrain à l'arrière de chaque maison se dresse une petite structure qui consiste en une pièce et des WC. Ils n'ont pas de bonne, mais ils appellent ces pièces « la chambre de bonne » et les « WC de la bonne ». La chambre de bonne leur sert de débarras où ils entreposent de vieux journaux, des bouteilles vides, une chaise cassée, un vieux matelas de crin. "

1997


1995

J.M. COETZEE
Le Maître de Pétersbourg

Traduction de l'anglais (Afrique du sud) de Sophie Mayou

"Il est presque midi. Il ne peut supporter l’idée de retourner dans sa chambre. Il se dirige vers l’est, en suivant la rue Sadovaïa. Le ciel est bas et gris, il souffle un vent froid ; le sol est verglacé et l’on risque de glisser. Lugubre journée : un temps à marcher la tête basse, péniblement. Pourtant, sans qu’il puisse s’en empêcher, ses yeux bougent fébrilement d’une silhouette de passant à une autre, à la recherche d’une ligne d’épaules, d’une démarche dansante, qui appartiennent à son fils disparu. A sa démarche il le reconnaîtra d’abord la démarche, puis l’allure générale." 


1980

J.-M COETZEE
En attendant les barbares

Traduction de l'anglais (Afrique du sud) de Sophie Mayou

"Ils lui ont montré la nudité de son père et l'ont fait balbutier de douleur devant elle ; ils ont blessé la fille devant le père, et il n'a pas pu les en empêcher [...] Dès lors, elle a cessé d'être pleinement humaine, d'être notre soeur à tous. En elle, certaines compassions sont mortes, certains mouvements de coeur ne lui ont plu été possibles. Moi aussi, si je passe assez de temps dans cette cellule hantée par des fantômes - non seulement ceux du père et de la fille, mais aussi celui de l'homme qui, même à la lumière des lampes, n'enlevait pas les disques noirs qui couvraient ses yeux, et celui du subalterne qui avait pour tâche d'entretenir le feu dans le brasero - touché à mon tour par la contagion, je deviendrai un être incapable de toute croyance."


1977

J.-M COETZEE
Au coeur de ce pays

Traduction de l'anglais (Afrique du sud) de Sophie Mayou


"C'est de ma propre voix que j'ai énoncé ma vie, d'un bout à l'autre (quelle consolation!), j'ai choisi à chaque instant ma propre destinée, qui est de mourir ici, dans ce jardin pétrifié, derrière des barrières cadenassées, près des ossements de mon père, dans un espace qui vibre de l'écho d'hymnes que j'aurais pu écrire mais n'ai jamais écrits, parce que (pensai-je) c'était trop facile."