ALAIN DAMASIO
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ALAIN DAMASIO
Vallée du silicium

"Bientôt, je me dis, bientôt on ne bougera même plus. À cause des pandémies montées en sauce et en panique ; à cause de l’insécurité que ce système nourrit à force de nous surprotéger. Nous ne bougerons plus pour de nobles motifs écologiques, ou encore par peur de rencontrer le corps de l’autre, cette sublime étrangeté. Ou tout simplement par flemme et par facilité. On ne travaillera plus qu’à la maison — pour ceux qui auront la chance d’en avoir une. Le cocon aura achevé de se refermer. "

"Je vais attaquer sans ambages : passer une frontière aujourd’hui, même pour des touristes apparemment « bienvenues », constitue une épreuve. Je ne veux pas comparer ça avec la situation des migrantes, ce serait obscène, tant la furie des frontières et la férocité « civilisée » des nanties que nous sommes tuent des êtres qui pourtant fuient, de toute évidence, une existence atroce devenue impossible dans leur pays.
Parce qu’elles sont traquées, parce que les bombes tombent, parce qu’un pouvoir les a décrétées opposantes politiques ou religieuses, ou qu’elles ont juste eu la malchance tragique de naître en Érythrée ou de vivre en Syrie sous Bachar el-Assad, ou plus récemment dans une Ukraine envahie par la Poutinie délirante, elles n’ont aucun autre choix que migrer. Ne rien comparer non plus à Gaza, où l’on touche au stade terminal : celle de la migration forcée sans échappatoire possible, la « déportation intérieure » au cœur d’une prison à ciel fermé où, assoiffées et écrasées par Tsahal, les Palestiniennes fuient d’un coin à l’autre d’un camp urbain bombardé en continu, en espérant juste survivre.
Pas de comparaison, aucune, mais une raison immunitaire et sécuritaire commune cependant, pour qui sait décrypter. Ce que font les États-Unis à la frontière mexicaine, ce que fait Israël en Cisjordanie, ce que fait Orbán en Hongrie ou Meloni dans les ports italiens, pour ne prendre que quelques exemples, incarne la version accomplie, hystérique et fasciste du contrôle optimal des corps circulants que nous endurons pour notre part dans nos aéroports en mode placebo. « Pour de rire », dirait-on mais avec une même logique maniaque dont on pressent bien qu’à la moindre tension, elle se déploiera dans toute sa cruauté allophobe : tout corps ou culture étrangère au système aura vocation à être purgée. Voilà pourquoi s’attacher à ce qu’ils nous font, en toute « normalité », pour un banal voyage, mérite une attention fine. "

"Il y a des gens capables de dissoudre tes cloisons et d’effacer les frontières entre toi et toi davantage encore qu’entre toi et les autres."

"Gregory Renard, fort d’une approche très personnelle, conçoit le livre comme une prison qui enferme le savoir dans son bloc de papier tandis que la liquidité des connaissances libérées sur le réseau lui semble davantage garante d’un accès démocratisé à l’information."

" L’école éduque aujourd’hui moins nos enfants, j’en suis persuadé, qu’ils ne se construisent à travers les modèles de la technoculture."

" Je ne critique pas la technologie qu’on nous offre parce qu’elle serait inerte ou stupide, non responsive ou robotisante. Je la critique parce qu’elle nous dévitalise en nous donnant l’illusion de faire plus de choses… qu’on fait pourtant moins bien. Je la critique parce que j’ai la conviction que ce qui a forgé la noblesse de notre humanité a tenu à cette confrontation constante (que nous n’avions jamais esquivée jusqu’à peu) avec l’altérité : l’altérité du minéral et des formes de vie, si multiples, celle de l’étranger qu’on apprivoise et du phénomène inconnu qu’on va finir par décrypter, l’altérité radicale de la mort, du dehors et de l’incompréhensible. Pour Sapiens, l’espace fertile n’est ni l’intérieur, ni l’extérieur : il est cette lisière tremblée où l’on s’élève en se confrontant à ce qui n’est pas nous et que j’aime à appeler : l’altérieur. "

2024


ALAIN DAMASIO
Scarlett et Novak

 "Novak court. Le quai est désormais désert. La pluie insiste. Les pavés sont luisants et ses baskets couinent de trouille. Il court avec des foulées de 2,02 mètres, à une fréquence de trois foulées par seconde, soit 22,1 kilomètres par heure. Son rythme cardiaque vient de monter à 160 battements par minute, sa sudation frôle les 2 millilitres par centimètre carré de peau. C’est son brightphone qui lui scande tout ça, sans écouteurs, par conduction osseuse.

– Novak, tu viens de battre ton record de fractionné. Veux-tu tweeter la nouvelle à tes amis ? le prévient son appareil.
– Derrière, ils sont à combien ?
– Tes concurrents sont à 160 mètres derrière toi. Souhaites-tu définir une ligne d’arrivée virtuelle ? Je te propose le Pont Vinci.
– C’est pas… des concurrents… Scarlett. "

Rageot, 2021



Editions Goater, 2019

ALAIN DAMASIO, ANTOINE ST. EPONDYLE
L'étoffe dont sont tissés les vents

 " — Il était une fois un pays de vaste étendue où rien ne tenait plus en place. Un vent féroce y soufflait tout le jour et la nuit, entêtant et unique, de l’est vers l’ouest, faiblissant certains soirs, mais ne cessant jamais. Les collines y étaient poussées dans le dos, les rochers dérivaient lentement, même le soleil avait du mal à s’arrimer au ciel. Une terre où le linge séchait vite, croyez-moi, avec des villages pourtant, dans tous les creux épargnés et des hélices qui tournaient à l’arrière des maisons. Sur cette terre vivaient trois tribus, dont la plus frivole faisait de la voile, la plus grande s’abritait dans des villages enclos et la plus stupide tentait très fièrement, de remonter le vent jusqu’à sa source."

" Je n’écris surtout pas pour divertir, ni faire rêver, ni provoquer de l’émotion, ce Graal à la con, ou encore pour la catharsis. J’écris pour que le lecteur, quand il referme le livre, ou même avant, s’il le lâche, en sorte transformé, énergétiquement plus habité, intellectuellement remué, éveillé, énervé peut-être. Et surtout, j’écris pour qu’il ait un peu plus envie de vivre en sortant de mes livres qu’il ne l’avait en y entrant. C’est sans doute ma dimension épique intestine. "

" Quand j’en ai assez de l’ombre, je prends un livre dans une salle pour voir un peu de ciel. "

 


"À quoi bon ne pas se servir de la puissance souple et ramifiée de la syntaxe ? À quoi bon ne pas comprendre qu’un “i” est un clou sonore, la voyelle de la stridence, des hautes fréquences, de la minutie, qui déchire, strie, perce ? Et que le “on” est un phonème sombre, lourd, sourd, qui jette sa masse de ténèbres et de lenteur dans les mots ? Les peintres ont la couleur et le trait. Les sculpteurs ont la matière, la masse et le volume. Nous, nous avons le matériel sensible le plus pauvre de toutes les disciplines artistiques, le plus cérébral du coup, alors il faut l’utiliser dans toute sa richesse sonore, articulatoire et même optique en réfléchissant à l’impact des hampes et des jambages sur la lecture. “Paléolithique” n’a pas le même rythme visuel que “marmoréen”. “Femme” ne dit pas la même chose optiquement que “fille” avec son double “l” enlevé."

 " On oublie tellement ça : on s’en tient au sens des mots dits au lieu d’écouter le son, sa hauteur, son intensité, sa portée. C’est de la physique pure, c’est du vent. Mais un vent bouclé, vibratoire, qui produit des sensations profondes, à la façon d’un bol tibétain ."


ALAIN DAMASIO
Les furtifs

"Tout faisait « ennemi » : plus seulement les migrants, ces grappes d’enfants mineurs et de mamans multiviolées parvenant encore par miracle sur nos rives ; plus seulement les terroristes qui, depuis vingt ans, agrégeaient sur leur nom les figures multiformes de tout ce qui pouvait tuer plus d’une personne par an. Plus seulement les sans-bagues, les punks à chiots, les saboteurs de drones et de sas d’accès. Mais aussi ceux qui n’avaient pas l’heur d’avoir le même forfait que vous : les standards pour les premiums, les premiums pour les privilèges…"

"Je veux être au milieu d’une nature qui circule et qui flue, seigneur Varèse, qui passe son chemin et qui nous traverse. Ŀes propriétés des nantis sont trop souvent pensées comme des enclaves, conçues en termes de frontière et de coupure, comme si le prestige d’un statut se décidait à l’épaisseur des protections. À titre personnel, je crois que la noblesse se juge à leur finesse ; la peur est toujours un signe de vulgarité. Je suis de passage, nous sommes tous de passage, alors laissons les sangliers, les gens et le vent passer. "

"Derrière les objectifs politiques de ces mouvements, au-delà du Take Back the City qui a commencé d’ailleurs en Irlande, ce sont au fond des affects animaux et enfantins qui nous portent – et c’est là toute leur puissance : aimer se cacher, se nicher, faire terrier, aménager loin des prédateurs et près des ressources, retrouver une liberté dont la structure même de la ville a fait son lit et son tombeau. Se rappeler qu’habiter est la première capacité des vivants. Nous avions  emmené Tishka visiter la cité des Métaboles une seule fois mais cette visite l’avait particulièrement marquée, alors nous avons fini notre voyage mémoriel là-bas… À l’origine n’existait qu’une simple barre de deux cents mètres de long sur quinze étages que mille quatre cents habitants avaient rachetée à Orange, en cumulant les cagnottes et avec l’intention claire d’en faire une « C-Cité » en pleine zone privilège. Une zone aveugle à la valorisation toute-puissante du mètre carré, qui dominait partout ailleurs. Et derrière ce C, chaque camarade y mettait son espoir : Cité du Commun, de la Commune, de la Chaleur et de la Création, du Courage, de la Colère Calme et du Cran, beaucoup de Cran !"

La Volte, 2019


"Ils sont là parmi nous, jamais où tu regardes, à circuler dans les angles morts de la vision humaine. On les appelle les furtifs. Des fantômes ? Plutôt l'exact inverse : des êtres de chair et de sons, à la vitalité hors norme, qui métabolisent dans leur trajet aussi bien pierre, déchet, animal ou plante pour alimenter leurs métamorphoses incessantes. Lorca Varèse, sociologue pour communes autogérées, et sa femme Sahar, proferrante dans la rue pour les enfants que l'éducation nationale, en faillite, a abandonnés, ont vu leur couple brisé par la disparition de leur fille unique de quatre ans, Tishka - volatisée un matin, inexplicablement. Sahar ne parvient pas à faire son deuil alors que Lorca, convaincu que sa fille est partie avec les furtifs, intègre une unité clandestine de l'armée chargée de chasser ces animaux extraordinaires. Là, il va découvrir que ceux-ci naissent d'une mélodie fondamentale, le frisson, et ne peuvent être vus sans être aussitôt pétrifiés. Peu à peu il apprendra à apprivoiser leur puissance de vie et, ainsi, à la faire sienne. Les Furtifs vous plonge dans un futur proche et fluide où le technococon a affiné ses prises sur nos existences. Une bague interface nos rapports au monde en offrant à chaque individu son alter ego numérique, sous forme d'IA personnalisée, où viennent se concentrer nos besoins vampirisés d'écoute et d'échanges. Partout où cela s'avérait rentable, les villes ont été rachetées par des multinationales pour être gérées en zones standard, premium et privilège selon le forfait citoyen dont vous vous acquittez. La bague au doigt, vous êtes tout à fait libres et parfaitement tracés, soumis au régime d'auto-aliénation consentant propre au raffinement du capitalisme cognitif."


La Volte 2017

Stéphane Beauverger,Karim Berrouka, David Calvo, Alain Damasio, Emmanuel Delporte, Catherine Dufour, Léo Henry, L.L. Kloetzer, Li-Cam, luvan, Ketty Steward, Norbert Merjagnan
Au bal des actifs: Demain le travail

" Dans l’avenue Trump, le ballet des bus autonomes et des voitures sans chauffeur chorégraphiait une forme de silence. Le ciel était couleur de mood board gothique sous un filtre Rothko mal codé. S’y décalquaient mal la nuée triste des drones s’autoévitant, lesquels erraient dans le vide, aussi frénétiques et tracés, aussi paumés que moi dans ce brouillard brownien d’insectes en plastique qui volaient de boîtes en balcons comme je volais de boîtes en missions. Pour qui au juste, pour quoi ? L’atmosphère grésillait désagréablement. Où étaient les oiseaux ?" (Alain Damasio)

"..., retrouver un espace aux lenteurs habitables. " (Alain Damasio)


ALAIN DAMASIO
BENJAMIN MAYET
Le Dehors de toute chose

"Une telle société de contrôle, aussi splendidement démocratique soit-elle, je la vomis.
Et je la vomis pour des valeurs qui sont autrement vitales que ce triomphe à la régulière du conformisme, de la docilité et de la peur, qui est cautionné parce qu’issu d’une majorité.
Je la vomis pour la liberté.
Pour que la vie siffle dans nos viscères, comme un ruisseau ardent.
Je la vomis pour un espoir  : que l’homme vaut mieux que ce qu’il est aujourd’hui. "

"Libertouille et cyberté
En occident, voter est consentir à la dépossession politique. Rien d’autre désormais. Le technocapitalisme seul nous dirige. L’État n’est plus qu’un cabinet d’ingénierie sociale auquel on sous-traite la variable humaine des équations du profit."

"Écrire, c’est tenter de desceller la plaque de la phrase, de sorte qu’un peu d’espace, subitement, y pénètre et l’évaste  : pied-de-biche plutôt que plume. Écrire, c’est libérer dans le dos de la syntaxe le dehors de toute chose. "

La Volte, 2016


ALAIN DAMASIO
aucun souvenir assez solide

 " Loréal lance un regard à un quadra avachi, cheveux en vrac, qui se redresse :

— Sony, tu es là dans une des centaines d’îles de l’Archipel. Une île, chez nous, ça peut être un café, un parc, une route, une rame de tram qui roule, ou un loft d’entreprise, comme ici. C’est une unité tactique, toujours logée dans l’angle mort du contrôle. Elle émerge selon nos besoins et disparaît dès qu’elle est repérée. —"

" Le ciel est d’un noir savoureux, les nuages qui y filent sont comme vernis. La nappe au-dessus de moi a tellement fondu que les ombres des immeubles portent sur l’eau ! La lumière est d’une sobriété crépusculaire, un simple nuage de lait, elle effleure les façades, elle n’éblouit rien : elle rend visible. "

La Volte, 2012


ALAIN DAMASIO
So phare away

"Lorsque la ville a été fondée, nous étions douze. Douze phares. Avec ce privilège, cette magnifique responsabilité de pouvoir émettre dans le noir nu. Nous nous étions réparti les heures de diffusion. Quand on ouvrait le pinceau, les ténèbres étaient comme fendues en deux. Les immeubles éteignaient leurs lampes, on n'éclairait parfois qu'une avenue, parfois l'océan, sans rien chercher à signifier, pour la splendeur des reflets sur l'asphalte, parce qu'une femme seule marchait à la lisière des vagues. Et puis on parlait de la ville, des cargos arrivés à la frange des tempêtes et des médiathèques qui poussaient à l'envers. Nos faisceaux projetaient des images sur les parois des cargos figés dans le tarmac. Une par une. Ça formait des sortes de films, de films d'animation qu'on fabriquait, qu'on découpait et qu'on montait avec des équipes d'artisans et quelques dessinateurs braques. Il fallait quatre mois pour aligner deux minutes, mais quelles minutes ! La lumière, ainsi cadrée et dosée, il me semble qu'elle prenait un sens. Aujourd'hui, je ne sais pas ce que voient les autres. Les phares s'expriment, hein, bien sûr. Se copient souvent, se décodent et se décalquent. Ils jettent leur lueur personnelle. Express your moi, be yourself—comme tout le monde. "

Galaxie, 2007


ALAIN DAMASIO
La zone du dehors

"Savante était la stratégie policière que servait ce dosage symbolique : permettre, et mieux, rendre probable une infraction mineure pour repérer et isoler, au sein d’une population énorme, la petite portion d’individus, qui, cédant à cette infraction sans conséquence, révélaient leurs dispositions rebelles et se désignaient par là comme délinquants potentiels pour des infractions futures à prévenir."

"La cuve 13 se trouvait dans le nord-est de la radzone, perchée au bord d’un cratère d’impact au fond duquel, n’était un largage approximatif du transbordurier, elle aurait dû échouer. Le cratère était cerné de dunes de terre orangée qui faisaient de cette zone une sorte de paysage en soi, délimité par sa couleur et ses reliefs et que les locaux appelaient « le pays ». Certaines cabanes, peintes en violet, juchées au sommet des dunes, y abritaient quelque sentinelle fière d’un lieu où n’était à guetter que la beauté lunaire ou quelque ermite qui s’y sentait absous de la vacuité d’une ville où le regard déclinait des verrières. Slift, m’y emmenant parfois, m’éreintait dans les pentes pour aller saluer ces cerbères joviaux que l’habitude des hauteurs teintait d’une obscure noblesse. "

 


Nouvelle version 2007

La Volte, 1999


"J’avais commencé la Zone en 1992, à Kiev, à 22 ans. Je croyais voir loin, être en avance… Aujourd’hui l’ADN sert à retrouver un scooter volé, le mobile nous localise au mètre près et, dans la rue, on vous demande par haut-parleur de ramasser un papier jeté parce que votre ville (anglaise) est quadrillée de caméras… Avec les puces RFID, bientôt logées dans chaque produit, ce sont vos chaussures qui vous diront quand elles sont assez usées pour mériter un nouvel achat. Ils n’ont pas seulement neutralisé Rimbaud, à force de recyclage massif. Ils ont inventé l’homme aux semelles de vente.
Heureusement, la politique progresse, grâce aux consultants. L’affecting arrive en douceur à maturité. On ne manipule plus seulement mots, images et événements. On travaille désormais sur le timbre des voix et sur leur débit, les respirations et les silences, sur la gestuelle du candidat, sur l’inconscient des postures… D’un pitbull sec et glaçant dont les crocs claquaient à chaque syllabe, ils ont fait en six mois un labrador rouge et bleu à la voix grave et posée qui nous aboie en continu la France de demain. J’appelle ça la narcose Sarkozy. C’est votre sommeil qui l’entretient, citoyens, quand ce n’est pas votre propre désir de chefs, de pères et de contrôles. J’exagère ? Parce que je n’accepte pas qu’on nous « gère » (disent-ils) pour mieux nous piétiner ensuite. La liberté n’est pas le monopole des riches. Je trouve juste important, ça : reprendre la main, ensemble.
La liberté, elle est pour moi ce dehors, intérieur à chacun de nous, dont ceux qui nous gèrent voudraient tant faire une Zone. Ou mieux : une norme. Sachons nous ouvrir pour agrandir cette poche, qui est poumon – et vent pulsif. Osons même, parfois, élargir la cicatrice et refuser le cocon consumériste, les consolations et les soins.
Parce que ça fait mal, d’être libre. "

Alain Damasio, 18 février 2007.


La Volte, 2004

ALAIN DAMASIO
La horde du contrevent

"Je ne parle pas ici de la déchéance de nos corps ou de l’entropie qui nous dégrade, non : plus simplement d’une forme puissante de la fatigue. Tout au long de votre vie, cette fatigue s’est manifestée sous une myriade de petites mines : un découragement passager par exemple, une perte de confiance, un banal besoin de confort affectif ou de stabilité sentimentale, un appel au repos, récurrent… Elle a parfois pris le masque d’une paresse de pensée, d’un manque de curiosité, elle a pu se traduire par un refus de l’inconnu ou la peur de changer, le fait de privilégier une habitude, vouloir être tranquille d’avance, je ne sais pas…"