JUAN CARLOS ONETTI
La Fiancée volée
Traduction de l'espagnol (Uruguay) de Albert Bensoussan
"Les premières nouvelles nous mirent mal à l'aise mais elles apportaient de l'espoir, elles venaient d'un autre monde, si à part, si étranger. Cela, le scandale, n'arriverait pas à la ville, il n'effleurerait pas les temples, la paix des maisons sanmariennes, spécialement la paix nocturne de l'après-dîner, les heures parfaites de paix, de digestion et d'hypnose face au monde absurde de balourdise, d'imbécillité crasse et joyeusement partagée qui clignotait et bégayait sur les écrans de télévision."
"La petite vieille peignée de neuf qui sourit sur sa chaise et le lampadaire tordu et aveugle regardent ensemble la ruelle en diagonale. Ils la voient s'en aller, tortueuse et jaune de bananes, dépavée et sale, jusqu'à se briser avec son chargement de baraques sordides et de bordels bruyants sur le grand mur chaulé de l'Asile."
"A l'autre angle de la rue ils s'arrêtèrent. La soirée roulait dans la rue en pente, enfouissant des ombres déteintes, des plans de lumière jaune, une ferveur froide de chiens et de grillons."
"Ses yeux, comme ses moustaches, avaient la couleur du fil de fer neuf et la même rigidité."