LEONARDO PADURA
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 LEONARDO PADURA
Ouragans tropicaux

Traduction de l’espagnol (Cuba) de René Solis

"Quelque chose était en train d’arriver, quelque chose qui désirait arriver, et La Havane petit à petit arrêtait de ressembler à La Havane. Ou plutôt, rectifia le Conde, la ville commençait à se rapprocher de ce que pouvait avoir de mieux La Havane, cette cité envoûtante, aux parfums, lumières, ténèbres et pestilences extrêmes, l’endroit du monde où il était né et où il lui avait été donné d’habiter durant ses soixante et quelques années de résidence terrestre. "

 " Et c’est pourquoi Conde ne s’enthousiasmait pas et ne nourrissait pas de grandes espérances. Beaucoup de choses étaient négociables, mais le contrôle, l’industrie nationale qui fonctionnait le mieux, n’en faisait pas partie. Au fond, il s’en fichait qu’Obama vienne ou ne vienne pas à Cuba, se dit-il, la vague passerait et après la tempête viendrait peut-être le mauvais temps, conclut-il, tandis que la voiture conduite par le lieutenant Miguel Duque traversait la parade policière en cours à La Havane. "

 " Logique : ce n’était pas tous les jours que débarquait à Cuba un président des États-Unis. En fait, même pas tous les siècles. Et l’événement (“historique” en effet) avait multiplié, fortement et non sans raison, les expectatives. Si les relations avec le belliqueux voisin du Nord s’amélioraient, pour les habitants de l’île les choses devaient aussi s’améliorer, pensaient beaucoup. Si les tensions politiques se relâchaient, si les rancœurs historiques s’apaisaient, certains bénéfices se feraient peut-être sentir dans la vie quotidienne, disait-on, espérait-on, souhaitait-on. Et Obama lèverait-il le blocus ? "

2022


L'avion présidentiel américain, Air Force One, lors de son atterrissage à La Havane, le 20 mars 2016. 


2018

 

LEONARDO PADURA
La Transparence du temps
Traduction de l'espagnol (Cuba) de Elena Zayas

"La lumière crue de l’aube tropicale, filtrée par la fenêtre, tombait comme un éclairage de théâtre sur le mur où était accroché l’almanach avec ses douze cases parfaites, réparties en quatre colonnes de trois rectangles chacune. À l’origine, aux espaces du calendrier correspondaient différentes couleurs, du vert juvénile et printanier au gris vieilli et hivernal, une palette que seul un dessinateur très imaginatif pourrait associer à une chose aussi inexistante que les quatre saisons dans une île de la Caraïbe. Au fil des mois, quelques chiures de mouches étaient venues agrémenter le bristol de points de suspension erratiques; plusieurs ratures et les couleurs de plus en plus délavées témoignaient de l’utilisation pratique du calendrier et de l’effet de la lumière abrasive qui l’attaquai tous les jours. Des traits aux géométries diverses et capricieuses, inscrits sur le pourtour, sur les bords, même sur certaines dates, étaient des pense-bêtes invoqués sur le moment, peut-être oubliés par la suite, jamais utilisés. Autant de marques du passage du temps et de mises en garde destinées à une mémoire en passe de se scléroser."


LEONARDO PADURA
Ce qui désirait arriver

Traduction de l'espagnol (Cuba) de Elena Zayas

"Au petit matin, chez ma soeur, tandis que je fumais dans le patio, j'appris qu'il est des expériences et des souvenirs inattaquables que ni la distance ni le temps ne sont capables de tuer. Mais je compris aussi que trente ans c'est beaucoup et qu'il est non seulement impossible de revenir en arrière mais que le tenter risque d'être pervers : les souvenirs doivent rester des souvenirs et toute tentative pour les faire sortir de leur refuge s'avère en général dévastatrice et frustrante."

"Comme presque toute la vieille gauche européenne, fille romantique de mai 68, guévariste et procommuniste, Bruno escamotait sa propre défaite historique en exigeant des autres - en particulier si les autres étaient cubains - qu'ils résistent stoïquement et dignement, qu'ils ne renoncent pas à leurs principes et perpétuent toutes ces consignes qui s'étaient peu à peu vidées de leur sens."

2016


 

LEONARDO PADURA
Poussière dans le vent

Traduction de l'espagnol (Cuba) de Elena Zayas


" Il avait même oublié le froid qui l’engourdissait tandis qu’il réfléchissait, une nouvelle fois, à comment aurait été sa vie à Cuba s’il ne s’était pas retrouvé poussé à l’exil. Pour les moments de doute et d’incertitude, Irving s’était créé une fable aux belles couleurs, forgée avec les bons souvenirs des jours de fête, de plage, de rencontres, de moments de complicité, d’amours naissant et croissant, de la sensation solide d’appartenance et de proximité ; une coquille d’escargot blindée ou, plutôt, une bulle illuminée de soleil qu’il faisait flotter au-dessus de la mauvaise face de la réalité qu’il avait laissée derrière lui. Un environnement également peuplé de peurs lancinantes réelles ou imaginaires, de privations en tout genre, d’incertitudes sans limites ni date de péremption. Il lui arrivait même alors de douter d’avoir pris la meilleure décision, mais en même temps il ne la regrettait pas. Le destin et l’Histoire étaient dotés de cette force centrifuge qui les avait déplacés, lui et plusieurs de ses amis, et les avait transformés en autre chose, d’autres personnes (des citoyens de Chueca, par exemple ? Des révolutionnaires bourgeois catalans, et les enfants de leurs enfants en Français, Portoricains et Diei savait quoi d'autre."

2014


2013

LEONARDO PADURA
Hérétiques

Traduction de l'espagnol (Cuba) de Elena Zayas

La Havane, 1939

"Daniel Kaminsky mettrait plusieurs années à s'accoutumer aux bruits jubilatoires d'une ville ancrée dans le vacarme le plus insolent. Il avait très vite découvert que tout y était traité et réglé à grands cris, tout grinçait sous l'effet de l'oxydation et de l'humidité, les voitures avançaient au milieu des explosions, du ronflement des moteurs ou des longs beuglements des klaxons, les chiens aboyaient avec ou sans raison, et les coqs chantaient, même à minuit, tandis que chaque vendeur de rue utilisait pour s'annoncer un sifflet, une clochette, une trompette, un sifflement, une crécelle, un pipeau, un couplet bien timbré ou un simple hurlement. Il avait échoué dans une ville où, pire encore, chaque soir, à neuf heures précises, un coup de canon résonnait sans qu'il y ait de guerre déclarée ou de forteresse à fermer et où toujours, invariablement, dans les époques prospères comme dans les moments critiques, quelqu'un écoutait de la musique et, en plus, la chantait."


LEONARDO PADURA
L'homme qui aimait les chiens

Traduction de l'espagnol (Cuba) de Elena Zayas et René Solis

Londres, 22 août 1940 (TASS). - Communiqué de la radio londonienne : « Léon Trotski est décédé aujourd 'hui dans un hôpital de Mexico, des suites d'une fracture du crâne, victime d'un attentat perpétré la veille par une personne de son entourage immédiat. »

Leandro Sânchez Salazar : Il ne se méfiait pas ?
Détenu : Non.
L.S.S. : Vous n'avez pas pensé que c'était un vieil homme sans défense et que vous agissiez avec la plus grande lâcheté ?
D. : Je ne pensais rien.
L.S.S. : Vous vous êtes éloignés de l'endroit où il donnait à manger aux lapins, de quoi parliez-vous en marchant ?
D. : Je ne me souviens pas s'il parlait ou non.
L.S.S. : Il n'a pas vu que tu prenais le piolet ?
D. : Non.
L.S.S. : Juste après que tu lui as asséné le coup, qu'a-t-il fait ?
D. : Il a sauté comme s'il était devenu fou, il a crié, comme un fou, je me souviendrai toute ma vie du son de ce cri.
L.S.S. : Montre-moi comment il a fait, vas-y.
D. : A............ a......... a......... ah...... ! Mais très fort.

(Extrait de l'interrogatoire de Jacques Mornard Vanden-dreschs ou Frank Jacson, assassin présumé de Léon Trotski, mené par le colonel Leandro Sânchez Salazar, chef du service secret de la police de Mexico D.F.., dans la nuit du vendredi 23 et à l'aube du samedi 24 août 1940.)

2009



2005 Les Brumes du passé, traduit Elena Zayas

2002,Le Palmier et l'Étoile, traduit par Elena Zayas, (jose maria de heredia)


LEONARDO PADURA
Adios Hemingway
Traduction de l'espagnol (Cuba) de René Solis

"D'abord il cracha, puis il expulsa de ses poumons les restes de fumée qui s'y blottissaient, et il finit par lancer à l'eau, d'une pichenette, le minuscule mégot de la cigarette. La petite brûlure sur la peau l'avait ramené à la réalité, et de retour au monde, il se dit qu'il aurait beaucoup aimé connaître la raison véritable de sa présence en cet endroit, face à la mer, sur le point de se lancer dans un imprévisible voyage vers le passé."

2001



2000 Mort d'un chinois à La Havane, traduit par René Solis


LEONARDO PADURA
Electre à La Havane (Les Quatre Saisons-3)
Traduction de l'espagnol (Cuba) de Mara Hernández et René Solis

LEONARDO PADURA
L'automne à Cuba (Les Quatre Saisons-4)
Traduction de l'espagnol (Cuba) de Mara Hernández et René Solis

"- Ce serait cruel que l'ouragan en finisse avec tout ça, n'est-ce pas?
- Non, vous vous trompez. La nature n'est jamais cruelle, parce qu'elle ne saurait pas l'être. La cruauté est le triste privilège des êtres humains. C'est pourquoi les cultures préhispaniques des Caraïbes ont personnifié le cyclone et lui ont attribué une figure humaine. Pour eux c'était le terrible dieu de l'Orage, et ils l'appelaient huracan, yuracan, ou yoracan, selon leurs dialectes, mais dans tous les cas le mot signifiait toujours Esprit Malin, plus ou moins comme le diable chez les chrétiens, et c'est pour le calmer qu'on lui a offert des chants et des danses... comme je le fais maintenant... Ce qui est quand même dommage, c'est que ce genre de désastre se produise : peut-être demain ne restera-t-il plus rien de ce jardin que j'ai cultivé et soigné pendant presque trente ans. Et cela donne aussi envie de pleurer."


1991

1994

LEONARDO PADURA
Passé parfait (Les Quatre Saisons-1)
Traduction de l'espagnol (Cuba) de Caroline Lepage

LEONARDO PADURA
Vents de carême (Les Quatre Saisons-2)
Traduction de l'espagnol (Cuba) de François Gaudry

"Le sable des carrières et les vieilles haines se mêlèrent aux rancœurs, aux peurs et aux déchets débordant des poubelles, les dernières feuilles mortes de l’hiver s’envolèrent avec les émanations fétides de la tannerie et les oiseaux du printemps disparurent, comme s’ils avaient pressenti un tremblement de terre. L’après-midi se flétrit sous des nuées de poussière et respirer devint un exercice conscient et douloureux. "