LEONARDO PADURA
Ouragans tropicaux
Traduction de l’espagnol (Cuba) de René Solis
"Quelque chose était en train d’arriver, quelque chose qui désirait arriver, et La Havane petit à petit arrêtait de ressembler à La Havane. Ou plutôt, rectifia le Conde, la ville commençait à se rapprocher de ce que pouvait avoir de mieux La Havane, cette cité envoûtante, aux parfums, lumières, ténèbres et pestilences extrêmes, l’endroit du monde où il était né et où il lui avait été donné d’habiter durant ses soixante et quelques années de résidence terrestre. "
" Et c’est pourquoi Conde ne s’enthousiasmait pas et ne nourrissait pas de grandes espérances. Beaucoup de choses étaient négociables, mais le contrôle, l’industrie nationale qui fonctionnait le mieux, n’en faisait pas partie. Au fond, il s’en fichait qu’Obama vienne ou ne vienne pas à Cuba, se dit-il, la vague passerait et après la tempête viendrait peut-être le mauvais temps, conclut-il, tandis que la voiture conduite par le lieutenant Miguel Duque traversait la parade policière en cours à La Havane. "
" Logique : ce n’était pas tous les jours que débarquait à Cuba un président des États-Unis. En fait, même pas tous les siècles. Et l’événement (“historique” en effet) avait multiplié, fortement et non sans raison, les expectatives. Si les relations avec le belliqueux voisin du Nord s’amélioraient, pour les habitants de l’île les choses devaient aussi s’améliorer, pensaient beaucoup. Si les tensions politiques se relâchaient, si les rancœurs historiques s’apaisaient, certains bénéfices se feraient peut-être sentir dans la vie quotidienne, disait-on, espérait-on, souhaitait-on. Et Obama lèverait-il le blocus ? "