JON KALMAN STEFANSSON
mon sous-marin jaune
Traduction de l'islandais de Eric Boury
"J’ai enlevé la cellophane de l’assiette, j’ai mangé mon poisson pané en essayant d’oublier la visite d’Örn et de la chasser de mon esprit. D’oublier cette collision entre nos deux univers opposés, pourtant censés être étanches. J’ignorais comment interpréter l’événement, je n’en avais d’ailleurs pas envie, je me suis donc remis au roman de Jóhann ; je lis pour oublier. « Il est à tel point inabouti, à tel point imparfait, écrit Örlygur à son sujet, et certains passages sont tellement abracadabrants, qu’il faut attendre d’arriver à la fin pour se rendre compte que ce roman est la vie elle-même : imparfait, inabouti comme seule la vie peut l’être. "
"Tout le monde est mort ", dit le poème « La violencia de la horas » de César Vallejo. C’est loin d’être faux, les calculs des scientifiques le prouvent : même si la population mondiale n’a jamais été plus nombreuse qu’aujourd’hui avec ses sept milliards d’êtres humains, vingt autres milliards ont péri sur cette Terre depuis l’aube des temps. Notre planète déborde de défunts, nous continuons à mourir, il faut sans relâche agrandir les cimetières et en créer de nouveaux. Ces cimetières sont comme les parkings des grandes villes à l’heure de pointe – il n’y a jamais assez de places. Tout le monde est mort. "