" La collapsologie est donc le discours ainsi que le savoir prenant pour objet un avenir voué à faire l’expérience douloureuse d’un effondrement 1° généralisé, 2° simultané et 3° dû à des réseaux d’inter- et d’intra-dépendances constitutifs des entités considérées. "
"Tout fait tellement système, réseau d’interdépendances enchevêtrées, château de cartes et ville de dominos, que nous allons fatalement heurter un imprévu, dont l’impact se répandra de proche en proche dans toutes les régions et dans tous les aspects de nos coexistences mondialisées. Avec toutefois cette particularité que « l’imprévu » en question ne sera probablement pas un choc extérieur, comme la bombe atomique a pu l’être pour deux villes japonaises en 1945, mais une hémorragie ou un grippage internes – qu’il s’agisse du dysfonctionnement d’un parc nucléaire, d’une panique bancaire ou des effets, encore imprévisibles mais annoncés avec de plus en plus d’insistance par les études scientifiques, de dérèglements climatiques ou biologiques. Plus nos existences s’isolent de leurs environnements potentiellement hostiles pour se protéger au sein de ce que le romancier Alain Damasio a baptisé « techno-cocons », plus ces protections reposent sur des réseaux d’interconnexion dont le pouvoir tient à leur étendue et à leur intensité, et plus les risques se déplacent du niveau de l’individu à celui du système."
" Qu’est-ce que la globalisation, de ce point de vue, sinon l’écoulement des capitaux vers les bassins d’emploi dont les taux de rémunération et les niveaux de protection socio-environnementale sont les plus bas – avec pour effet, sous condition de compétition généralisée, d’entraîner l’affaissement des planchers d’existence et de revendication pour toutes celles et ceux qui se trouv(ai)ent au-dessus des minima ? Tout l’édifice, vu de l’extérieur, peut bien paraître tenir debout. On peut même passer régulièrement sur l’ensemble une couche de peinture fraîche, au nom de l’innovation managériale ou de la révolution numérique. Mais des fuites souterraines, par voie de vases communicants, vident de l’intérieur les forces qui assuraient le fonctionnement du système. "
"Être terrestre, c’est se méfier d’une certaine arrogance inhérente aux vues en surplomb fournies par les GPS, les avions, les gratte-ciel et les miradors. C’est raisonner à partir de ses attachements au sol (bien davantage qu’aux racines), en envisageant l’horizontalité des possibles avant de se projeter dans les rêves de décollage, ou de s’abîmer dans les vertiges d’effondrement."
...d’autres habitudes d’engagement." Ces nouvelles attitudes devront être 1° dé-coloniales, pour neutraliser en nous et hors de nous les traditions et les réflexes de domination monoculturelle qui poussent certains humains, éduqués dans certains environnements, à considérer comme normale la subordination d’autres êtres vivants à leurs intérêts et à leurs finalités particulières. Les nouvelles habitudes gagneront à être 2° dé-polémiques, pour neutraliser en nous et hors de nous les appels à constituer des ennemis auxquels faire la guerre (autant rhétorique que physique), alors que le plus important est de localiser les causes des conflits dans les structures relationnelles qui rendent nos visées et nos besoins antagonistes, ainsi que de cultiver les solutions alternatives déjà émergentes, mais en mal de soutien. Enfin, ces attitudes devront apprendre à être 3° dé-compétivistes, pour neutraliser en nous et hors de nous les raisonnements qui exacerbent la compétitivité (individualiste, identitariste, nationale), là où la reconnaissance de notre incomplétude doit nourrir des relations de complémentarité et d’entraide contribuant bien plus réellement à notre survie et à notre bien-être."
sur Radio Univers