IMRE KERTESZ
        Etre sans destin
        
      "C'était cette fameuse heure caractéristique - 
        encore maintenant, encore là je l'ai reconnue -, mon heure 
        préférée au camp, et j'ai été saisi 
        par un sentiment aigu, douloureux et vain : le mal du pays. Soudain 
        tout s'est animé en moi, tout était là et se 
        bousculait, toutes les atmosphères étranges m'ont surpris, 
        les petits souvenirs m'ont fait trembler. Oui, dans un certain sens, 
        là-bas, la vie était plus claire et plus simple."
      "On reprend la décomposition des 
            gestes : l'étiquette saisie dans la main droite, la main gauche 
            extirpant du carton une boîte d'engrenage ou de composant mécanique, 
            le code barre collé sur l'emballage d'un trait du pouce (celui 
            à l'ongle noir). On est content, voire presque fier du résultat 
            de la machine huilée appelée Travail.
Pourtant chatouillé par la tentation de l'île déserte, 
            le mot tentation, tentation de la pensée, s'enfermer pour soi-même, 
            le péché de s'échapper des autres et de l'intérêt 
            commun. Parasitage incessant de la pensée, comme une sorte 
            de lirre sauvage montant à l'assaut de l'écorce des 
        nerfs, moeele épinière, cerveau!"