Kostas Papaïoannou : " Il cherchait en particulier à comprendre par quelle « ruse de l'histoire » une idée révolutionnaire prétendant libérer l'homme de toute «aliénation» s'était muée en une «idéologie» et une « orthodoxie » servant de « justification » à un régime où l'« aliénation » était devenue « totale »." François Bordes
Kostas Axelos : "Pour autant, le penseur n'est titulaire de rien : pas plus de la pensée que de sa pensée. La pensée, ou plutôt « le penser », comme il préférait parfois le dire, est cet exercice endurant qui réclame avant tout ce que René Char appelle l'« humilité questionneuse », car en son principe ce penser est moins réponse que questionnement, questionnement inlassable et toujours recommencé. La pensée ne peut être que l'essai de la pensée. L'œuvre de Kostas Axelos est profondément un tel essai, l'essai perpétuellement repris d'une pensée qui se déploie même comme un ressassement, jusque dans Ce qui advient — le dernier livre où l'œuvre entière se rassemble puissamment sur elle-même, frayant à neuf ses sillons les plus anciens pour faire valoir leur fécondité, redistribuant fragmentairement ses motifs majeurs en une constellation nouvelle. Un ressassement, donc, ou plutôt un ressac. Comme le ressac de la mer, qui sape la falaise sur laquelle elle se brise inlassablement. Saper pour ouvrir, une brèche, pour ouvrir un horizon neuf et chercher un passage. Pour l'heure, la pensée ne saurait donc s'entendre que comme cheminement, passage, ouverture. Elle ne saurait se déployer qu'en chemin vers..."
[...] Dès lors, si l'errance du présent fait de la pensée une itinérance, dont l'enjeu est de « préparer l'avènement d'une pensée neuve », la pensée de Kostas Axelos est cette « pensée autre » qui nous situe perpétuellement dans l'« entre ». Soit, pour reprendre quelques unes de ses propres formules : entre-deux, entre-temps, entre question et réponse, entre parole et silence, entre indifférence et amicalité, entre platitude et plan, entre catastrophe et jeu, entre chien et loup, entre terre et ciel, entre poésie et philosophie. C'est l'« entre » d'un interlude et d'une suspension. D'un équilibre suspendu. Cette pensée d'un autre style, qui répond à l'« exigence d'un nouveau type de pensée », Axelos la nomme lui- même « une pensée poétique nouvelle». Entendons bien : nouvelle parce que poétique. En faisant ainsi « appel à la dimension poétique de la pensée », le penseur tente une métamorphose radicale, où il s'agit à la fois de battre en brèche « la banalité et la prose de nos vies», et de restituer la pensée à sa source, en l'accordant à ce qu'il appelle « le jeu du monde »."
[...]"Cette pensée d'attente n'est donc pas attentiste. Elle vise à trouver la possibilité et la voie d'un accord, mais, bien sûr, d'un accord discordant, avec le monde et l'énigme qui l'interpelle. « Accord discordant » : cette formule héraclitéenne résume l'enjeu de la pensée finie, qui doit trouver cette dimension qu'Axelos nomme la « vibration » du Centre du rapport entier. Il y va là d'une manière de musicalité à trouver dans notre rapport avec le monde. La pensée finie peut ainsi rejoindre ce qu'a été l'effort de la poésie : en étant « disponible à la poéticité », elle peut esquisser la voie de l'approche de cette musicalité qui est, pour la pensée, la figure inédite d'un rythme. « Rythme polyphonique et atonal, précis et stochastique. »
Serait-ce alors la voie d'une « pensée poétique » ? Mais que serait donc une telle pensée si elle n'est pas poésie, bien qu'elle en soit proche ? Comment trouver notamment le langage et la langue qui lui correspondraient? Jean Lauxerois
"Le langage du non-dit, de l'impensé, nous appelle. Ce n'est pas un « autre » langage. Car le langage qui nous appelle, nous le rencontrons déjà, par-ci, par là, en différents registres. À l'écoute du langage antéprédicatif, obéissant à une nécessité en nous ouvrant à la négativité et en nous rendant disponibles, il n'est pas totalement exclu que nous puissions esquisser, sinon accomplir, un pas. Orientés par ce qui n'a pas été dit. Sans revenir passivement à un langage parlé et écrit dans des univers qui ne sont pas les nôtres, mais en nous ouvrant productivement aux métamorphoses du même..."(Axelos. Ce qui advient)
Cornélius castoriadis:
«L'autonomie surgit, comme germe, dès que l'interrogation explicite et illimitée éclate, portant non pas sur des "faits" mais sur les significations imaginaires sociales et leur fondement possible. Moment de création, qui inaugure et un autre type de société et un autre type d'individus. Je parle bien de germe, car l'autonomie, aussi bien sociale qu'individuelle, est un projet » (Castoriadis.Le Monde Morcelé)
"La notion de lucidité revient assez souvent dans les écrits de Castoriadis. « La révolution socialiste telle que nous la voyons est impossible sans la lucidité, ce qui n'exclut pas, mais au contraire exige la lucidité de la lucidité sur son propre compte, c'est-à-dire la reconnaissance par la lucidité de ses propres limites » écrivait-il dans L'Institution imaginaire de la société. La lucidité est ce qui permet à l'être humain de se repérer dans le labyrinthe. « Il faudrait parler d'un espace où cet éclairage change de nature, où par exemple il peut y avoir deux ou plusieurs sources de lumière se posant chacune comme équivalente à chacune des autres et qui, d'une certaine façon et jusqu'à un certain point, peuvent se communiquer la vue que chacune a des parois internes de sa propre sphère éclairée » Christophe Premat
La page Cornélius Castoriadis sur Lieux-dits