MICHEL COLLOT
Chaosmos
"Noirs de Soulages : révélateurs de la lumière. Ils lui tendent un miroir où se dévêtir enfin de ses oripeaux
bigarrés, l'invitent à s'y réfléchir silencieusement, méditativement, au contact d'une matière elle-même une et nue, mais inépuisable. Renonçant aux couleurs du spectre, le peintre se concentre sur la lumière blanche, et la confronte à son contraire. Et voici que le plus opaque exalte la transparence, qui devient dense, comme tangible. Mieux que le prisme, il réussit à déployer la richesse de la lumière, sans la décomposer : il en démultiplie l'effet, en créant à la surface du tableau toute une variété d'accidents et d'incidences, par un jeu simple et savant de stries.
Sismogramme de la lumière, cette matière en enregistre tous les changements, donne à voir ses ondes et ses vibrations les plus imperceptibles. Produisant un vivant échange entre le tableau, l'atmosphère ambiante et le spectateur, qui interdit de clouer au mur ces toiles, tendues en l'air comme des voiles, pour capter les moindres souffles de la lumière.
L'oeuvre ne représente plus le réel, mais s'y tient présente, et le rend présent. Un jour, à Sète, regardant une de ses toiles fraîchement peintes, Soulages vit le noir devenir bleu : la mer, à laquelle le tableau faisait face, s'y reflétait. Plusieurs peintures ont interrogé cette rencontre inattendue. Le bleu y semble émerger du noir, comme le soir, dans la neige, la nuit paraît monter du sol, qui vire à l'indigo.
En s'ordonnant comme un cosmos parfaitement clos sur lui-même, l'oeuvre ne tourne pas le dos au monde. Si elle n'y renvoie pas, elle peut le réfléchir."
"Il nous faut ces puits d’ombre, ces seuils disjoints, et l’obscure épaisseur des murs. La fenêtre ne vient qu’après, percée dans les ténèbres"
"Retour aux sources. Non pour s’y installer, mais pour en épouser l’élan."
"Verso du sol : les radicelles tissent la cicatrice de l’hiver. Un texte souterrain."