Pouvoir des armées, armées au pouvoir
Sous la direction d'Agnes Levallois et Elyamine Settoul
Thibault Delamare, Agnès Levallois, Galip Emre Yıldırım, Audrey Pluta, Massensen Cherbi, Nayla Moussa et Joseph Sawaya, Solène Poyraz, Sara Tonsy, Entretien avec Jean-Loup Samaan, Hicham Mourad, René Backmann, Sümbül Kaya, Didier Le Saout .
René Backmann ( Journaliste à Mediapart ) L’armée israélienne en danger de « théocratisation » ?
Résumé: L’armée israélienne, officiellement nommée Forces de défense d’Israël, est à la fois le bouclier de l’État juif contre un environnement régional hostile et aussi le creuset de la nation et l’épine dorsale de la société. Forte de près de 160 000 hommes et 425 000 réservistes, mais aussi 2 600 chars d’assaut, 400 avions de combat, 200 hélicoptères et la possession, jamais officiellement admise, de l’arme nucléaire, c’est aujourd’hui la plus puissante armée de la région et, sur le plan technologique, l’une des plus avancées de la planète. Elle bénéficie également, depuis des décennies de l’aide des États-Unis en matière de recherche et développement. Dans les domaines du renseignement en temps réel, des télécommunications cryptées, des lasers et de la cyberguerre, elle a très peu d’équivalent. Grâce à la réputation de ses forces spéciales, elle est aussi devenue exportatrice de savoir-faire, en particulier dans le Tiers-monde.
Fondée sur le principe de la conscription des jeunes des deux sexes, elle joue un rôle considérable dans la société notamment sur la scène économique et politique. Quatre des quinze premiers ministres qui se sont succédé depuis la fondation de l’État, sont d’anciens généraux. Mais cet ancrage au sein de la société a conduit l’armée à partager les travers et les dérives de cette dernière. Notamment son glissement à droite, et une violence croissante et impunie à l’encontre des Palestiniens en raison de l’influence croissante en son sein des colons ultranationalistes et des extrémistes religieux.
"L’armée israélienne est indiscutablement l’armée la plus puissante du Proche-Orient et l’une des plus avancées, si ce n’est la plus avancée, sur le plan technologique, de la planète. Cette réalité stratégique, associée au statut historique de l’État d’Israël – refuge des survivants du génocide nazi – que certains dirigeants israéliens exploitent parfois avec un cynisme assumé, explique que cet État poursuive impunément l’occupation militaire et la colonisation des territoires palestiniens conquis en 1967, au mépris du droit international et en violation d’une multitude de résolutions des Nations Unies. "
"Face à la théocratie iranienne, l’armée israélienne est de plus en plus soumise, elle aussi, à la prégnance du religieux, en particulier sous l’influence croissante des colons, qui relèvent des courants ultra-nationalistes et religieux."
" Le poids des religieux dans l’armée n’a, en fait, cessé de croître, sous des formes diverses depuis cette époque. On dénombre aujourd’hui près de 90 hesder yeshiva (écoles où les études talmudiques se poursuivent parallèlement à la formation militaire). La plus importante se trouve « à Sderot, à moins de 5 km de la barrière qui ceinture la bande de Gaza : elle compterait plus de 800 élèves. "
"D’arrangements en arrangements, de petits reculs en grandes concessions, grâce à la complicité ou la négligence des responsables politiques, les religieux ont étendu leur influence au sein de l’armée, dans l’indifférence totale de la majeure partie de la population non-religieuse. Tout comme ils ont fini par « oublier » l’existence des Palestiniens, relégués au-delà du mur de séparation, les Israéliens dans leur majorité se sont désintéressés, comme leur représentation parlementaire, de l’évolution de leur armée. Au moment où elle était littéralement colonisée par les religieux. "